Naissance d’un porte-avions : le Charles-de-Gaulle
À six mois du début des essais en mer du porte-avions à propulsion nucléaire (PAN) Charles-de-Gaulle et à moins de deux ans de son entrée en service, Alain Boulaire, professeur agrégé d’histoire à Brest nous propose le premier livre sur le futur « navire amiral » de notre marine nationale. En 48 pages très denses et abondamment illustrées, tous les aspects de ce projet majeur et essentiel pour notre défense sont abordés, et de nombreuses informations ressortent de la lecture de ce petit ouvrage passionnant.
Ainsi, on apprend que les flancs du navire abritent 1 500 kilomètres de câbles divers dont 70 de fibres optiques, et 300 kilomètres de tuyauterie. Ces simples chiffres en disent long sur la complexité d’un tel chantier. Plus d’un millier d’entreprises françaises ont participé au programme, ces sociétés étant réparties dans toute la France. Il s’agit bien d’un engagement concernant toute la nation et non pas exclusivement la ville de Brest. Des pays alliés ont également pris part à la construction, comme la Hollande qui a fourni des composants hydrauliques et, bien entendu, les États-Unis dont la contribution a porté principalement sur la réalisation des deux catapultes et des deux ascenseurs.
Parmi les détails amusants, notons que la chaleur exceptionnelle de l’été brestois de 1995 a permis de connaître les déformations du pont d’envol, offrant un essai en grandeur nature d’une contrainte importante pour les manœuvres d’aviation.
Concernant la vie à bord, le porte-avions marque un progrès important dans le confort de l’équipage qui sera entièrement professionnalisé mais peu féminisé. Alors que la norme future sera de 10 % de personnel féminin embarqué, le Charles-de-Gaulle n’embarquera pour le moment qu’une dizaine de jeunes femmes. N’oublions pas que la conception du PAN remonte à une période où la professionnalisation totale des armées n’avait pas encore été décidée. La nourriture représente un facteur important pour le moral. La conception de la chaîne alimentaire a donc été très poussée en ce qui concerne la qualité et la productivité. Par exemple, pour charger les 250 tonnes de vivres pour une mission de quarante-cinq jours, vingt hommes pendant deux jours seront nécessaires, alors que sur le Foch, quatre-vingts personnels doivent travailler pendant une semaine. Quant à l’eau, les installations de dessalement (bouilleurs) permettraient à chaque membre de l’équipage de prendre jusqu’à trois douches par jour.
Bien entendu, les systèmes de combat et de commandement se situent au niveau des meilleures réalisations américaines. Là encore, il faut souligner que le PAN sera capable d’agir au sein d’une flotte Otan ou UEO. La composante aérienne, Rafale M, Hawkeye pour l’alerte, et hélicoptères NH90, constituera une force de frappe sans commune mesure avec la situation actuelle de l’aéronavale embarquée.
L’investissement consenti reste donc raisonnable : 12 milliards pour le bâtiment et 6 milliards pour la partie recherche et développement, le programme du Rafale n’étant pas pris en compte ici. La dépense est donc de 325 francs par Français. C’est le prix à payer pour pouvoir disposer d’une unité militaire fondamentale pour la politique étrangère de notre pays et le maintien de son indépendance stratégique.
Maintenant, se pose la question du second porte-avions destiné à remplacer le Foch (entré en service en 1963) à partir de 2004-2006. Nul doute que pour l’auteur, la réponse est évidente : oui au second exemplaire et le plus tôt possible ! ♦