Les loups sont entrés dans Bizerte
On a peu écrit sur la bataille de Bizerte (1). Cette discrétion tient peut-être à la brièveté de l’affrontement et à son caractère atypique à l’époque : parenthèse gaullienne dans une guerre d’Algérie que de Gaulle n’aimait pas. Alors que se menaient de difficiles et pénibles négociations avec le FLN, il ne déplaisait sans doute pas au chef de l’État de répondre aux provocations de Habib Bourguiba, dont l’armée avait investi notre base, et de montrer au monde que la France et son armée demeuraient respectables. Par une coïncidence heureuse, l’affaire, en juillet 1961, se situe trois mois après le putsch des généraux, et on y a engagé, à côté de deux autres, le seul des régiments paras qui s’en soit tenu totalement à l’écart.
C’est à celui-ci, le 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine, qu’appartenait l’auteur. Sergent appelé à la tête d’un groupe d’engagés, Philippe Boisseau ne s’embarrasse pas de stratégie. Le cadre de l’action rappelé, fort bien, par le préfacier, il nous livre un « récit vécu ». Venant des djebels algériens où ils traquaient laborieusement les maquisards, les paras sont jetés dans un vrai combat, dont la plus rude partie fut un combat de rues terminé par l’assaut des casernes. La brutale immersion dans la guerre véritable révèle les caractères, soude les équipes, justifie les chefs et renvoie les états d’âme à d’autres temps. Les Tunisiens se sont vaillamment battus. Ils y laissèrent 700 des leurs. Cette empoignade à la loyale reste la dernière bataille livrée par l’armée française. On s’étonnera, mais pour s’en réjouir, qu’elle ait peu perturbé les rapports amicaux des deux antagonistes. ♦
(1) On en trouve une excellente présentation dans le recueil des interventions récentes des troupes de marine : De Bizerte à Sarajevo ; Lavauzelle, 1995.