« La guerre d’Algérie : défense des frontières, 1956-1962, les barrages algéro-marocain et algéro-tunisien »
La commission française d’histoire militaire, sous la direction du général J. Delmas, a demandé à vingt-cinq historiens et militaires de traiter le problème mal connu de la défense des frontières pendant la guerre d’Algérie. Dans les 1re et 4e parties sont présentées les réalisations antérieures et postérieures : limès romain, fortifications européennes, barrage établi par Kitchener contre les Boers en 1901 et par les Italiens en Libye en 1931, zone démilitarisée de Corée depuis 1954, barrages actuels d’Israël. La 2e partie rassemble des études approfondies sur l’évolution des barrages frontaliers, leur surveillance aérienne et terrestre, leur coût et les technologies employées (électrification, mines, radars-canons, herses, etc.). L’étude sur l’ALN de Tunisie et du Maroc confronte les sources algériennes et françaises. La 3e partie est constituée de témoignages de fantassins, de cavaliers, de sapeurs, d’artilleurs et de marins ayant exercé des responsabilités sur les frontières Est et Ouest.
Cet ouvrage très dense est d’un grand intérêt pour les historiens, pour les militaires qui ont participé à cette défense, et pour les tacticiens et stratèges du temps présent. Un des enseignements recueillis est en effet que si les barrages d’Algérie, peu coûteux et pratiquement étanches à partir de 1960, ont constitué une réussite tactique et technique, ils ont consommé des effectifs qui auraient pu être utilisés dans des opérations offensives. Des plans d’intervention au Maroc et en Tunisie avaient en effet été envisagés en 1957. L’échec fut donc stratégique ; les barrages ont été tournés par la politique, lorsque, après l’affaire de Sakiet en février 1958, le gouvernement céda à l’opinion internationale et interdit toute action de force au-delà de la frontière. On avait réinventé la ligne Maginot !
La dernière attaque de l’ALN en mars 1962 montre qu’une action d’artillerie sur un large front, puissante et prolongée, aurait pu être exploitée avant que le génie ait pu réparer les dégâts. Le cessez-le-feu était proche, ce ne fut donc qu’un baroud d’honneur, sans doute parce que les Algériens comptaient sur les pressions internationales, sur la lassitude de l’opinion métropolitaine et sur l’abandon du gouvernement français pour obtenir leur indépendance. Cela laisse supposer qu’ils étaient assurés du résultat. Les barrages enfin ont eu une conséquence inattendue : ils ont contribué à la création d’une armée algérienne non offensive, mais politisée, qui fut l’instrument de conquête d’un pouvoir totalitaire. ♦