Histoire de la Reconquista
Dans ce petit livre très dense, Philippe Conrad présente les neuf siècles d’affrontements qui ont opposé aux occupants musulmans les chrétiens du Nord de l’Espagne. Il en retrace les étapes militaires : la résistance spontanée des Basques et des Cantabrais, et en Andalousie les insurrections des mozarabes opprimés, puis l’action volontariste, pas toujours coordonnée, des rois des Asturies, de Castille et d’Aragon, auxquels se joignent épisodiquement Catalans, Portugais et Français. Défensive face au puissant et brillant califat de Cordoue (931-1023), puis aux empires almoravides et almohades (de 1086 à 1230), cette action est nettement offensive dans les périodes de division des musulmans. Tolède est prise en 1085, Cordoue en 1236, Séville en 1248. Après le retrait des almohades, le dernier royaume nasride (Grenade) admet la souveraineté du roi d’Aragon tout en préparant la revanche. En 1469, le mariage de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille inaugure l’unité religieuse et territoriale de l’Espagne, qui sera achevée par la prise de Grenade en 1492, et par l’expulsion en 1614 de 300 000 morisques jugés inassimilables.
Parallèlement à la relation des batailles et des trêves, est décrite avec précision la guerre guerroyante des chevaliers chrétiens, unis aux ordres militaires et aux milices communales, à base de chevauchées, de razzias et de confrontations armées, s’appuyant sur des lignes de places fortes et entraînant avec eux d’importants déplacements de population. L’esprit des croisades anime les combattants.
Au passage, Philippe Conrad expose les thèses contradictoires des historiens : victoire des Arabes ou de l’arianisme, maintien de l’hispanité ou conversion à certaines valeurs judéo-islamiques, relations culturelles ou oppression de la dhimmitude, racisme d’État ou volonté d’assimilation. Au-delà des interprétations, il ne fait pas de doute que cette histoire a exercé une grande influence sur la formation de la nation espagnole, et comporte des leçons pour le temps présent. ♦