La guerre parfaite
Thérèse Delpech ironise sur la fin de la guerre, illusion ancienne qui prend aujourd’hui le visage de la rationalité. C’est, semble-t-il, la révolution américaine dans les affaires militaires (RMA) qui justifie le titre : « guerre parfaite », trop parfaite. Pour soutenir sa thèse, l’auteur dresse l’inventaire des troubles divers qui nous menacent, et qui forment autant de chapitres : ripostes dissymétriques des États faibles aux prétentions techniques des puissants ; prolifération des armes de destruction massive ; « guerres sans fin » au sein de pays qui se cherchent, Algérie, Bosnie ou grands lacs africains ; peuples pauvres (et jeunes) contre peuples riches (et vieux) ; imprévisibilité des desseins de l’Oncle Sam et faiblesse extrême de l’ours russe ; désunion européenne ; expansion chinoise. Ce salmigondis, au demeurant ressassé, reflète sans doute le désordre mondial ; on n’y voit point ici de conclusion pertinente, et seulement le souci, un brin commercial, d’affoler le lecteur.
Quelques lueurs heureuses éclairent un parcours désormais banal. La révolution dans les affaires militaires est le plus sûr moyen d’éradiquer la guerre classique, si la dissuasion nucléaire n’y avait pas suffi. Le succès va à celui qui refuse la règle du jeu que l’autre prétend imposer. Les grandes puissances ont bon dos, sur lesquelles des leaders criminels rejettent la responsabilité de leurs entreprises cruelles. Les valeurs asiatiques sont détournées au profit de visées agressives. L’Europe, qui a payé si cher son actuelle lucidité, doit mettre son expérience au service de la prévention des guerres.
Reste que le livre est petit, en volume et en idées, que le style en est relâché, et que l’auteur eût pu s’épargner le ridicule de la charge qu’il mène (page 61) contre « les théoriciens de la dissuasion » et leurs « textes incompréhensibles » ; Lucien Poirier appréciera. Thérèse Delpech, horresco referens, nous ferait regretter le temps où les femmes n’approchaient la guerre que portant en bandoulière le tonnelet des vivandières. ♦