L’École interarmées du personnel féminin, dix ans d’histoire
À l’heure de la professionnalisation et de la refonte de nos armées, il est bon de ne pas oublier les évolutions des années 70 avec, en particulier, la féminisation des forces.
L’OFP Bertrand, témoin et acteur de cette transformation, retrace dans cet ouvrage abondamment illustré cette étape décisive qui, hier, fut vécue par les hommes comme une révolution, les uns hostiles à l’entrée de jeunes filles sous l’uniforme, militaires à part entière et non plus « supplétives », les autres favorables à ce changement, en fait, fidèle reflet de la société des « trente glorieuses » où la femme eut enfin accès à bon nombre d’activités professionnelles jusqu’alors exclusivement réservées aux hommes.
Avant les années 70, les femmes militaires, sollicitées en périodes de conflits, furent peu nombreuses et cantonnées dans des tâches subalternes essentiellement administratives, avec des statuts particuliers et peu attractifs.
La création de l’École interarmées du personnel féminin à Caen à partir de 1973 marqua un changement profond : il s’agissait d’unifier les formations, de militariser l’instruction, de donner une réelle identité à la femme militaire et par voie de conséquence de mieux insérer les jeunes femmes dans les armées. Pendant une dizaine d’années, l’école va former plusieurs milliers de jeunes filles dont bon nombre sont en activité aujourd’hui. Le paradoxe de cette école est d’avoir largement contribué à accélérer la féminisation en donnant une image moderne de « la militaire », et donc d’avoir banalisé cette entrée importante des femmes dans les unités. La conséquence de ce succès fut l’ouverture des grandes écoles militaires aux jeunes filles. En 1983, Saint-Cyr accueillait ses deux premières élèves officiers. L’École de l’air et l’École navale suivirent quelques années plus tard. De fait, l’EIPMF, en montrant que les femmes avaient une place entière dans les armées, avait rempli son rôle et fut alors dissoute, chaque armée formant conjointement ses personnels masculins et féminins.
Si la féminisation a été l’objet de très vifs débats aujourd’hui largement oubliés, il n’est pas inutile de se retourner vers cette période afin d’en tirer quelques enseignements. Tout d’abord, une instruction de qualité reste essentielle pour obtenir l’adhésion des jeunes militaires en formation. Ensuite, une armée moderne ne peut se concevoir sans une part importante de féminisation et il n’est pas inconsidéré de penser qu’une féminisation accrue pourra à la fois permettre de recruter des jeunes femmes de très bon niveau quel que soit le grade et ainsi de pallier les éventuelles difficultés de recrutement chez les garçons. ♦