La Tunisie à la recherche de sa sécurité
Avec une superficie de 163 610 kilomètres carrés, la Tunisie est, de très loin, le moins vaste des États de l’Afrique du Nord. De surcroît, l’effectif de sa population (9 millions d’habitants) atteint à peine le tiers de celui du Maroc ou de l’Algérie. L’ancien protectorat français (indépendant en 1956) apparaît ainsi comme une nation de taille modeste qui ne dispose que d’une maigre partie du Sahara et qui doit tenir le plus grand compte de ses voisins (l’instable Algérie et l’imprévisible Libye). D’où le dilemme fondamental : comment un petit État qui possède peu de ressources naturelles (oliviers, blé et phosphates) peut-il assurer sa sécurité sans compromettre son développement ? C’est à cette question que tente de répondre Nicole Grimaud dans son ouvrage très documenté sur l’histoire contemporaine de la Tunisie. Directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) de la Fondation nationale des sciences politiques, elle est surtout connue pour être une grande analyste des problèmes du Maghreb. Son ouvrage sur la Politique extérieure de l’Algérie (Karthala, 1984) a eu un grand succès dans les milieux universitaires et les cercles spécialistes des questions africaines. Dans ce livre intéressant, le lecteur retiendra en particulier les chapitres consacrés aux « Impedimenta de la guerre d’Algérie », à la menace libyenne et surtout au face-à-face des deux chefs historiques, de Gaulle et Bourguiba, dans la tragique affaire de l’évacuation de Bizerte (juillet 1961).
Dans un environnement régional tendu, la Tunisie a pratiqué une diplomatie active et habile qui lui a souvent valu les faveurs des États-Unis et de la France. La priorité accordée au développement a procédé d’un choix stratégique qui n’a jamais été révisé. Cette primauté s’est traduite par de faibles dépenses militaires (1,4 % du PIB pour une armée de 35 000 hommes). La disparité manifeste entre ses propres ressources et les potentialités énormes de ses voisins a coupé court à toute tentative de compétition dans la zone. Au contraire, la Tunisie a su jouer avec brio de sa relative faiblesse. La volonté résolue de se situer dans la mouvance de l’armée française, une institution particulièrement économe de ses moyens, a épousé avec cohérence les contraintes du pays. Aujourd’hui, le problème géopolitique majeur de cet État du Maghreb est dans une grande mesure fonction de l’évolution politique de l’Algérie. Dans ce contexte difficile, le président Ben Ali, réélu en mars 1994 avec plus de 99 % des voix, continue de faire preuve de fermeté à l’encontre des islamistes. Cette intransigeance a procuré à son pays un courant de sympathie très fort en provenance de la communauté internationale. Quelle que soit l’évolution de la situation dans cette nation située en bordure de la Méditerranée, la France ne restera jamais indifférente à la Tunisie, en raison d’une part des liens historiques et affectifs qui existent entre les deux pays, d’autre part des relations importantes que Paris entretient avec Tunis dans les domaines de l’économie, de la coopération (éducation, formation, soutien sanitaire) et de la culture. ♦