Saint-Exupéry, écrivain en guerre
Saint-Exupéry, écrivain en guerre
Saint-Ex est décidément à la mode : à peine refermé le livre de Gilles Rabache (Saint-Exupéry et la guerre), voici sous un titre très voisin, celui de Gerber et la bibliographie est abondante. Saint-Ex le mal aimé non certes du grand public, si l’on admet que « Le Petit Prince est l’ouvrage le plus lu dans le monde après la Bible » (134 millions d’exemplaires, traduit en breton et en esperanto…) mais de beaucoup de ses pairs en littérature et en politique, sans doute quelque peu jaloux. C’est que parmi les gens de lettres qu’on imagine volontiers penchés à leur table de travail sous le regard attentif de maîtresses de haut vol, Antoine dispose face à ses confrères d’un atout majeur. Plus que Malraux, plus que Kessel, il a mis les mains dans le cambouis à Cap Juby ; il a affronté les stukas dans le ciel d’Arras ; il a vu de près les brûlés au retour de mission.
Incontestablement patriote, impatient de participer à la libération du territoire national, fût-ce dans un poste de niveau hiérarchique modeste, s’acharnant comme quadragénaire à maîtriser les commandes des modernes et complexes « Lightning », notre héros est indépendant par caractère et par conviction. Il refuse l’embrigadement et en paie les conséquences. À New York, au sein d’une société futile et superficielle, il polémique avec André Breton et ne peut s’empêcher de critiquer le « contenu indéchiffrable » des principes du surréalisme. Plus grave pour lui, il résiste à l’appel des sirènes gaullistes dans la pétaudière d’Alger. Son engagement au côté de Giraud est « ostensible et direct », car il craint pour l’avenir une dictature, alors qu’il s’agit plus à ses yeux de gagner la guerre que de se lancer à l’avance dans des combinaisons électorales. Du coup, le voici écarté du clan vainqueur que rejoignent plus ou moins directement d’autres aux mérites plus contestables. On lira à ce sujet au chapitre 9 une démolition en règle de Jean-Paul Sartre. François Gerber entend combattre la « falsification » dont fut victime Saint-Ex, et parvenir à une « réhabilitation ». Il dispose à cet effet d’une argumentation solide et convaincante. ♦