La politique américaine de rééquilibrage vers l’Asie va s’accentuer lors du second mandat d’Obama mais elle restera conditionnée par des paramètres dont les clés principales se trouvent en Chine. C’est dans la région Asie-Pacifique que la croissance économique, l’innovation et les perspectives d’augmentation du commerce international sont les plus fortes et les États-Unis entendent y défendre au mieux leurs intérêts.
La stratégie de rééquilibrage des États-Unis vers l’Asie-Pacifique et la Chine
The US Rebalancing Strategy towards Asia-Pacific and China
The American policy of rebalancing towards Asia will escalate during Obama’s second term, but it will rest conditional on certain parameters, of which the keys are found in China. It is the Asia-Pacific region, where prospects for economic development, innovation, and international trade are the strongest, that the United States intends to defend in order to advance their interests.
L’attention prioritaire portée par l’administration Obama à l’Asie-Pacifique n’est pas une nouveauté du point de vue de la politique extérieure américaine. En 1983, le sous-secrétaire d’État Lawrence Eagleburger déclarait déjà que « le déplacement du centre de gravité de la politique étrangère américaine vers le bassin Pacifique pourrait bien s’avérer l’un des problèmes cruciaux à venir… » (1). Certes, à l’époque, la guerre froide dominait le paysage international et la Chine n’avait pas acquis la place qui est désormais la sienne parmi les nations. La stratégie du « pivot » (ou du rééquilibrage) énoncée par le président Obama n’est ainsi pas une révolution dans la politique extérieure américaine (2). Il serait fallacieux de considérer qu’il s’agit, par effet contraire, d’un abandon des positions américaines en Europe et anachronique de la considérer comme un ersatz du containment, appliqué, cette fois-ci, à la République populaire de Chine.
Il s’agit plus de « continuité dans le changement ». Cette politique n’est pas destinée à affaiblir (rollback) ou contenir le développement de la puissance chinoise. Elle vise plutôt à combiner une présence américaine active en Asie avec une série d’initiatives diplomatiques destinées à encourager Beijing à user de son influence grandissante avec des réponses politiques et économiques aux défis actuels plutôt que d’user de la coercition. À la Wehrkunde, en février 2013, M. Ashton Carter, sous-secrétaire d’État de l’administration Obama, soulignait qu’avec l’absence de structures d’intégration politique et économique comme l’Union européenne et de sécurité comme l’Alliance atlantique, l’Asie était restée en paix en grande partie grâce au rôle « pivot » des États-Unis. Le Conseiller pour les affaires de sécurité du Président, Tom Donilon, l’exprimait ainsi : « Les États-Unis ont intérêt à favoriser la définition des règles prévalant dans la région Asie-Pacifique, de telle sorte que les lois et normes internationales soient respectées, que la liberté de commerce et de navigation ne soit pas entravée, que les puissances émergentes établissent des liens de confiance avec leurs voisins et que les désaccords soient réglés pacifiquement » (3). Autrement dit, la politique américaine prend acte de ce que l’émergence de la Chine comme l’une des principales puissances politiques et économiques du monde est porteuse d’occasions favorables autant que de risques et qu’il convient d’adopter une posture qui favorise les unes et permette de se prémunir des autres.
Washington entend renforcer ce rôle de « pivot » d’autant plus que la croissance économique, l’innovation et les perspectives d’augmentation du commerce international sont localisées prioritairement dans cette vaste région bordée par trois États de la République américaine, dont le plus peuplé et le plus riche, la Californie (4). Avec 23,5 % de leurs exportations et 32,2 % de leurs importations en 2010, les États-Unis commercent désormais presque autant avec l’Asie-Pacifique qu’avec les Amériques et bien davantage qu’avec l’Europe. Pour nombre de dirigeants américains, la sécurité et la prospérité de leur pays seront plus que jamais liées à celles de l’Asie-Pacifique. D’un point de vue militaire, cela signifie qu’un rôle prééminent sera confié à la Marine américaine, dont plus de la moitié des bâtiments se trouvent déjà basés dans cette région (60 % à l’horizon 2020).
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