La dureté des temps nous conduit à réexaminer cette constante du mensonge dans la vie publique en mesurant ses effets perceptibles sur la communauté nationale autant que sur les performances du pays. Une fois encore, l’expérience issue du monde militaire, accoutumé aux contraintes et formé à relever les défis, nous apporte quelques pistes de réflexion.
Le mensonge est-il une nécessité ? Ou l’impossible vertu républicaine ?
Is the Lie Necessary? Or is it an Impossible Republican Virtue?
The harshness of time steers us to reexamine the permanency of lies in public life by measuring their noticeable effects on the national community as well as on the performance of the country. Once again, experience from the military world, accustomed to constraints and created to rise to the challenge, gives us food for thought.
Le succès dans l’action dépend, pour une bonne partie, de la connaissance de la vérité des choses : l’origine d’une maladie, les raisons qui conduisent un élève à l’échec, le malaise qui ronge une population et la conduit à la révolte, le besoin d’un marché qui appelle de nouveaux produits, la menace qui pèse sur une nation, un continent, et risque de l’entraîner dans le malheur.
L’effort, largement justifié, consenti par nombre de pays dans le domaine du renseignement économique et scientifique, de défense et de sécurité, confirme cette affirmation. Les États-Unis, par exemple, y ont consacré plus de 75 milliards de dollars en 2012, toutes agences confondues. Si l’énormité du chiffre ne garantit pas pour autant l’efficacité du système, il est néanmoins un signe. La France, elle-même, accroît de manière significative son effort dans ce domaine sans toutefois s’approcher de ces chiffres astronomiques (environ 2 milliards d’euros et entre 13 000 et 14 000 fonctionnaires pour l’ensemble des services de renseignement : DGSE, DRM, DPSD, DCRI, DNRED, Tracfin).
Place de la vérité dans la conduite de l’action
Passé ce constat sommaire, il convient de modérer aussitôt l’intérêt porté à la vérité dans la vie publique. Les dirigeants sont, en effet, constamment déchirés entre la nécessité de décider avec courage et la tentation de gouverner pour plaire. Gerhard Schröder n’a-t-il pas souligné que « les réformes redressent les pays, mais font perdre les élections » ? Churchill et bien d’autres l’avaient découvert avant lui tandis qu’Hannah Arendt le théorisait en 1971 dans Du mensonge à la violence. Les faits démontrent également qu’aux heures graves, le courage vient parfois à manquer, moins, toutefois, qu’en vitesse de croisière où l’abandon sonne comme de la bonhomie. Souvenons-nous de la fameuse cagnotte fiscale qui aurait pu contribuer au désendettement de la France. Ne pas la distribuer aurait imposé d’avouer la réalité de notre situation financière. Les dirigeants détestent le rôle de briseur de rêve. Aussi longtemps que la chose n’est pas dite, on se plaît à rêver qu’elle n’existe pas.
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