En pratiquant une lecture précise de l’ensemble des textes réglementaires et juridiques qui fondent la défense nationale et organisent le droit des conflits armés, l’auteur révèle un étonnant vide juridique concernant la responsabilité du président de la République d’engager les forces nucléaires et une batterie de bonnes raisons de l’exécutant de ne pas obéir à ses ordres. Cette démonstration par l’absurde suggère un toilettage des textes.
Le Président, la dissuasion et les exécutants
The President, Deterrence, and its Implementers
By practicing a close reading of all reglementary and legal texts that founded the National Defense and organized the laws of armed conflict, the author reveals a surprising legal vacuum concerning the responsibility of the president of the Republic to engage nuclear forces and a battery of good reasons for the subordinate to not obey his orders. This reductio ad absurdum proposes a cleaning up of texts.
En 1994, le président Mitterrand déclarait au cours d’une conférence de presse : « Je me souviens d’avoir répondu à un journaliste qui m’interrogeait au cours d’une émission : ‘‘L’armement nucléaire, la bombe atomique, c’est qui ?’’ Et ma réponse a été déformée par la suite, comme il arrive souvent. J’ai répondu : ‘‘C’est le président de la République, et – je croyais dire une autre évidence – donc c’est moi’’ ».
Certes, depuis le général de Gaulle, il y a consensus en France pour considérer qu’il revient au président de la République de prendre la décision d’utiliser les forces nucléaires au cas où les intérêts vitaux de la France seraient engagés. Le président Mitterrand ajoutait : « La stratégie de la France, pays détenteur de l’arme nucléaire, n’est ni offensive ni défensive, elle est de dissuasion, ce qui veut dire, en termes encore plus simples, qu’elle a pour but essentiel d’empêcher le déclenchement de la guerre ». L’étonnant est que cette responsabilité ultime du chef de l’État, qu’encore une fois personne ne lui conteste, n’apparaît nulle part et n’est jamais évoquée dans les campagnes présidentielles.
C’est grave, parce qu’au fond, à partir du moment où aucun texte, la Constitution ou une loi explicite, ne charge le Président de cette responsabilité, est-elle légitimement fondée ? Et sa décision doit-elle être exécutée ? D’autant qu’il existe maintenant une justice internationale qui condamne les crimes de guerre et ceux qui les commettent, même sur ordre. Dans ces conditions, on peut se demander si l’ordre d’engagement des forces nucléaires sera exécuté par ceux dont la responsabilité est maintenant engagée.
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