À la veille du retrait des forces occidentales, l’actualité du dossier afghan reste marquée par de nombreux rapports évoquant l’écroulement rapide de ce pays, le retour de la guerre civile et celui des taliban au pouvoir. Ces propos pessimistes occultent les efforts et résultats des forces de la coalition depuis plus de douze années.
Afghanistan : dépasser le piège du défaitisme ?
Afghanistan: Escaping the Trap of Pessimism?
On the eve of the retreat of Western forces, current Afghan news remains marked by numerous reports alluding to the rapid collapse of the country and the return of civil war and the Taliban to power. These pessimist remarks detract from the efforts and the results of more than a dozen years of coalition forces.
Le 8 décembre 2012, le ministre de la Défense raccompagnant les dernières « troupes combattantes » françaises d’Afghanistan proclamait à Paphos, à Chypre, lieu du sas de décompression pour les unités françaises quittant ce théâtre avant le retour en France : « Je suis fier, comme le président de la République, de ce que vous avez accompli ». Il reste encore 1 500 hommes assurant le fonctionnement de l’aéroport international, de l’hôpital et la formation des forces locales. Pourtant l’actualité reste dominée par la parution de rapports alarmistes d’experts évoquant le retour des taliban dès 2014. Fréquemment caricaturée dans des médias souvent guidés par une logique émotionnelle de body counting (décompte macabre des morts au combat), mal comprise par nos concitoyens, l’intervention afghane et son bilan demeurent complexes, associant de plus en plus dans sa rhétorique les vocables du pessimisme et de la défaite. Or, après plus d’une décennie d’engagement, et sans occulter les difficultés et erreurs, il paraît important de ne pas oublier que les objectifs initiaux ont bien été atteints. En outre, la coalition n’a pas ménagé ses efforts pour doter l’Afghanistan d’outils et de moyens lui permettant de s’inscrire sur le chemin de l’autonomie, dans la mesure où il était illusoire de vouloir en faire aussi rapidement une « nouvelle Suisse ».
Un bilan complexe
Comme l’indique le Pentagone dans son dernier Report on Progress Toward Security and Stability in Afghanistan (1), la situation sécuritaire reste certes fragile, mais montre résolument des progrès, notamment dans les zones urbaines ; c’était là le premier axe d’effort. L’insurrection, bénéficiant du sanctuaire des zones tribales pakistanaises, si elle n’a pas été éliminée, a tout de même été réduite et se trouve aujourd’hui incapable de lancer des opérations de grande ampleur. Elle se concentre désormais généralement sur des modes d’action terroristes comme les attentats suicides et l’utilisation d’Engins explosifs improvisés (qui d’ailleurs, frappant à l’aveugle, touchent aussi les populations civiles ; l’insurrection est responsable des 2/3 de ces pertes). La coalition aura déployé jusqu’à 140 000 hommes, avec à ce jour plus de 3 200 tués au combat (dont 2/3 d’Américains), un combat qui se dérobe de plus en plus.
Le deuxième axe d’effort était celui de la gouvernance et visait à doter l’Afghanistan d’un pouvoir politique légal, légitime et d’administrations régaliennes compétentes. L’ONG Transparency International a récemment classé ce pays comme l’avant-dernier pays le plus corrompu dans le monde (Kabul Bank, en 2010, avec 1 milliard de dollars évanouis est éloquent). Une corruption liée au fait que ce pays, un des plus pauvres de la planète, reçoit plusieurs dizaines de milliards de dollars d’aide internationale. C’est d’ailleurs bien la tentative de construction ex nihilo d’une démocratie de type occidental, capable d’intégrer un modèle moyenâgeux local mêlant des organisations claniques au fort sentiment religieux, qui aura été la plus problématique. Des avancées sont cependant à noter dans des domaines comme la liberté d’expression, l’éducation ou la place des femmes. Il existe en effet désormais plus de 700 journaux, 110 radios et 30 TV grâce à la loi de 2009. Plus de 2 millions de jeunes filles sont désormais scolarisées dans le primaire et le Parlement afghan comprend presque 1/3 de femmes (2010).
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