En récapitulant l’ensemble des projets russes de construction navale qui visent à rénover la flotte de la mer Noire, l’auteur expose le rôle que celle-ci est appelée à jouer dans la prochaine décennie, que ce soit à l’égard du Caucase ou des détachements en Méditerranée.
Flotte russe de la mer Noire : vers une « flotte forteresse » à l’horizon 2020
The Russian Fleet in the Black Sea: Towards the “Fortress Fleet” on the 2020 Horizon
By going over all of the Russian plans of naval construction that aim to renew their fleet in the Black Sea, the author exposes the role that this calls us to play in the next decade, be it in regard to the Caucus or the military groups in the Mediterranean.
La signature de l’accord russo-ukrainien de Kharkov, le 21 avril 2010, a été le prélude à la mise en œuvre d’un ambitieux programme de modernisation de la flotte de la mer Noire dont la réalisation est prévue sur la période 2011-2020, et dont les premiers résultats pourraient être visibles d’ici la fin de l’année 2013 avec la mise en service de nouveaux bâtiments. L’accord de Kharkov, signé par les présidents Medvedev et Ianoukovitch, prolonge de vingt-cinq ans après son expiration en 2017 le bail accordé par Kiev à Moscou pour l’utilisation des infrastructures navales en Crimée, avec une option pour cinq années supplémentaires, en échange d’un rabais sur le prix de vente du gaz dans le cadre de l’accord bilatéral signé entre Gazprom et Naftogaz en janvier 2009 pour une durée de dix ans.
Même s’il reste sujet à des négociations avec Kiev sur les modalités de remplacement des unités, ce programme naval apparaît comme l’un des plus réalistes parmi ceux en cours de mise en œuvre par le ministère russe de la Défense. S’il est mené à son terme, à l’horizon 2020, la flotte de la mer Noire devrait être la formation tactique techniquement la plus moderne des cinq flottes et flottilles russes. Bien que son format doive s’apparenter à celui d’une « flotte forteresse » destinée à verrouiller le flanc méridional de la Russie, la future flotte de la mer Noire devrait également disposer de capacités hauturières lui permettant d’opérer jusque dans l’océan Indien.
La disparition de l’URSS, qui avait fait du bassin pontique un « lac soviétique », et le processus de mondialisation économique et sécuritaire qui s’en est suivi, ont contribué à faire de la région de la mer Noire l’un des carrefours de la géopolitique mondiale. La modernisation en cours de la flotte russe de la mer Noire doit apporter à Moscou les moyens d’y conserver son statut de véritable puissance, lui garantir la capacité à y intervenir en cas de crise, et plus généralement, lui donner les moyens d’y relever les défis sécuritaires régionaux. La sécurité énergétique, la lutte contre le terrorisme, les luttes d’influence entre puissances riveraines et étrangères ainsi que la présence de conflits gelés ont en effet alimenté la militarisation de l’espace pontique au cours de la dernière décennie. L’absence de mécanisme régional de sécurité y a favorisé par ailleurs l’accroissement des dépenses militaires. De 2,4 % du PIB en moyenne en 2000, les dépenses liées à la défense sont passées à 2,9 % du PIB en 2010, suivant la base de données du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) pour l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie, l’Ukraine et la Russie sur la période 2000-2010.
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