Cette réflexion, étayée et savante, expose la place particulière qu’occupe la société militaire et le rôle de régulateur qui est le sien, entre conservatisme éclairé et incongruité anachronique. Les forces armées participent à la stabilité sociopolitique comme dépositaires ultimes du sens de l’intérêt général. Telle est la thèse de l’auteur.
Préambule - Les forces armées sont-elles un bastion conservateur ?
Preamble–Are the Armed Forces a Conservative Stronghold?
This substantiated and erudite reflection exposes the special place of military society and the role of regulator that it takes on, between enlightened conservatism and incongruous anachronisms. The armed forces participate in the socio-political stability as ultimate custodians in the sense of general interest. Such is the thesis of the author.
À cette question impertinente qui mobilise des ressorts psychologiques à forte portée symbolique, gageons que d’emblée chaque lecteur s’est déjà fait son opinion dès la lecture du titre. Or, c’est bien ce substrat culturel qu’il est proposé d’explorer : en répondant à cette question, nous éclairerons le fonctionnement des représentations collectives et individuelles constitutives de notre identité nationale.
En propos liminaire, définissons précisément de quoi nous parlons. Les composantes des armées telles que nous les entendons en l’espèce sont définies par la partie 3 du Code de la Défense ; elles sont constituées de l’administration centrale ainsi que des forces armées à proprement parler telles que définies par l’article L 3211-1 du Code de la Défense, à savoir : l’Armée de terre, la Marine nationale, l’Armée de l’air, la Gendarmerie nationale et les services de soutien interarmées. Le bastion quant à lui est un ouvrage de défense ; dans son sens figuré, il représente généralement une source de résistance à un mouvement d’opinions. Il peut être vu comme un sanctuaire rassurant, havre protecteur, ou comme une Bastille à abattre, voire une citadelle à assiéger et à conquérir. Le conservatisme enfin (du latin conservare, conserver) est, dans son acception courante, l’état d’esprit de ceux qui refusent les innovations ou les changements politiques, sociaux ou technologiques. Il fait référence le plus souvent à des valeurs dites « traditionnelles » (nation, patrie, souveraineté, famille, autorité, morale, mérite ; foi dans l’ordre, la hiérarchie et la discipline) en défendant l’ordre et la continuité pour maintenir la stabilité. En cousinage avec le traditionalisme, et porté par les grands penseurs du libéralisme politique (Constant, Tocqueville, Locke, Hobbes, Burke, Hume), le conservatisme est généralement opposé au progressisme. Voilà le cadre.
Ces premiers éléments d’entendement valident-ils notre jugement en première approche ? Partons de la prémisse selon laquelle les forces armées sont une institution qui fait preuve d’un conservatisme intrinsèque et consubstantiel à sa fonction. Ce conservatisme se caractériserait avant tout par son originalité en raison de sa forme hybride et d’une complexité sous-estimée ; nous démontrerions alors que cette forme singulière de conservatisme se révèle précieuse pour une société en temps d’incertitude.
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