Études et enquêtes - L'aviation et la victoire
Au cours d’un exposé fait par le général J.-H. Doolittle, qui commanda la 19e, puis la 15e et la 8e Air Force américaine, devant le Comité des Affaires militaires du Sénat des États-Unis, celui-ci fit de très intéressantes révélations sur le rôle joué par l’aviation dans la victoire.
Le général commença par rappeler ce qu’il avait dit, il y a onze ans déjà, devant le bureau formé en 1934 sous la présidence de M. Newton D. Baker : « Je crois que la sécurité future de notre pays dépend d’une aviation suffisante. Ceci est vrai à l’heure actuelle et deviendra de plus en plus important au fur et à mesure que la science de l’aviation se développera, je suis convaincu que cette force aérienne sera plus rapidement organisée, équipée et entraînée si on la développe en tant qu’arme indépendante. » Je vous invite, poursuivit le général dans son rapport, à réfléchir sur ces faits avant de répondre à la question suivante : Pour obtenir un développement convenable de la puissance aérienne, faut-il placer l’aviation dans une position subordonnée à un autre organisme ayant une autre préoccupation capitale ou vaut-il mieux la placer sur un pied d’égalité avec les forces terrestres et les forces aériennes ? L’aviation a prouvé elle-même qu’elle était la seule arme qui pouvait opérer indépendamment. L’action aérienne doit avoir lieu la première et l’aviation ennemie doit être détruite ou neutralisée avant qu’on ne puisse lancer avec succès des opérations terrestres ou navales. Il est fort probable que, dans les prochaines guerres, l’action aérienne initiale pourra être décisive : celui qui aura perdu la guerre aérienne n’aura plus qu’à capituler. Pour illustrer ce que je viens de dire sur l’action aérienne, initialement indépendante de l’action de l’armée et de la marine, je voudrais vous parler des opérations de la 8e Air Force effectuées à partir des bases anglaises. La mission essentielle de la 8e Air Force était d’affaiblir mortellement l’économie militaire de l’Allemagne, de détruire la volonté et la possibilité ennemies de faire la guerre. Pour employer les termes historiques de la réunion de « Casablanca », c’était « la destruction progressive et la dislocation du système militaire, industriel et économique allemand… jusqu’à un point où… la possibilité de résistance armée est mortellement affaiblie ». C’est là la conception de base, d’après laquelle furent menées toutes les opérations stratégiques de la 8e Air Force. C’est la charte de l’action militaire indépendante — de la guerre aérienne en un mot — que la 8e Air Force, avec la 15e, et le Bomber Command de la R. A. F. exploitèrent au maximum, sans l’aide, jusqu’au 6 juin 1944, d’opérations terrestres, et, par la suite, de concert avec les armées du sol.
Après le début des opérations terrestres, la 8e Air Force s’engagea de temps à autre dans des opérations tactiques en coopération avec les forces terrestres pour aider les armées alliées à avancer ou à arrêter les attaques ennemies. Bien que sa tâche essentielle fût d’ordre stratégique, la 8e Air Force se joignit, chaque fois que ce fut nécessaire, à la 9e Air Force chargée, elle, de la coopération avec les actions terrestres.
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