Editorial
Éditorial
Formuler une politique de défense, c’est combiner trois exigences souvent contradictoires, celle du projet politique, celle de l’analyse stratégique et celle de la nécessité militaire. Définir une planification de défense, c’est accorder trois temps, le temps quinquennal de la légitimité politique, celui plus long des cycles industriels et celui imprévu des engagements opérationnels. Chacune de ces exigences et chacun de ces temps a sa propre logique et c’est au débat stratégique, à la stratégie industrielle et en final au travail parlementaire de pourvoir à leur nécessaire coordination. Aussi le résultat produit ne peut-il être qu’un compromis, le plus raisonnable possible, pour garantir la sécurité du territoire et la vie de la population, selon la formule rituelle ; on y ajoutera, pour préserver l’avenir du pays dans ces temps d’incertitude structurelle.
Chacun voit que l’exercice s’avère de plus en plus difficile pour de multiples raisons assez bien identifiées, au point que beaucoup pense que la démarche classique qui conduit à la Loi de programmation militaire est à bout de souffle et que c’est la dernière fois qu’on peut la pratiquer ainsi.
Pour le projet politique qui porte la légitimité démocratique, la difficulté réside dans l’articulation soignée entre engagements et priorités internes, d’ordre économique et social, et responsabilités externes, d’ordre européen et international. Pour l’analyse stratégique, c’est la question de la profondeur de champ qui pose problème : sécurité nationale, enjeux européens et méditerranéens, contribution à la paix et à la sécurité mondiales, responsabilités globales et rang international ; où placer le curseur ? Quant à la nécessité militaire qui vise les meilleurs effets opérationnels, les questions posées sont redoutables : comment produire une expression aussi précise et raisonnée que possible des besoins militaires, encadrer au mieux les coûts de possession des parcs d’armement et procéder à l’amélioration permanente des équipements en lien étroit avec les industriels ? C’est de la cohérence de cette démarche d’ensemble que dépendent notre posture de défense et notre efficacité opérationnelle.
Chacun regrettera que la construction européenne ne joue pas un rôle plus déterminant dans ce processus même si certains pensent qu’elle en a la capacité technique et politique. Chacun observera que malgré la complexité de ces démarches, la mise en œuvre militaire souvent artisanale de nos moyens existants a dernièrement produit des effets politiques majeurs, que ce soit au large de la Somalie, de la Libye ou au Nord du Mali.
Le compromis soigneusement élaboré par la Loi de programmation pourra-t-il permettre de faire face à l’avenir ? La part de la richesse nationale consacrée à la sécurité du pays et à la défense de ses intérêts sera-t-elle suffisante ? Chacun le souhaite en espérant que la période de transition commencée il y a vingt ans conduise maintenant à un modèle d’armée, sans doute plus compact mais aussi plus souple, un modèle réactif et suffisamment doté pour faire face à l’incertitude stratégique ambiante.