Depuis la fin de la guerre froide, il n'y a pas d'autre horizon stratégique possible pour la France que la priorité donnée à la sécurité de l'Europe. Faute de pouvoir développer une politique militaire commune aux pays européens, sans craindre pour la sécurité intérieure et la sauvegarde de la population, c'est à une politique du Grand Large qu'appelle l'auteur pour y défendre les intérêts du pays.
Vers le « Grand Large »
Toward the “Grande Large” (Great Wide)
Since the end of the Cold War, there is no other possible strategic horizon for France than the priority it has given to Europe’s security. Unable to develop a common military policy to European countries, without fear for internal security and the protection of the population, it is a policy of the Grande Large called for by the author to defend the interests of the country.
Après ceux de 1994 et de 2008, le Livre blanc sur la défense et la sécurité d’avril 2013 s’inscrit toujours dans une forme d’affichage et persiste dans le non-choix stratégique. Que l’orientation en la matière soit malaisée, chacun en conviendra. Mais qu’une prise de position et un engagement de long terme soient d’absolues nécessités pour une puissance intermédiaire – donc fragile et provisoire – comme la France, qui pourrait le contester ? On ne refera pas ici l’historique, pourtant révélateur, des atermoiements français depuis la fin de la guerre froide. Ils procèdent à la fois d’un manque d’intérêt de nos partenaires européens, du poids inertiel considérable des États-Unis et, surtout, du côté français, d’une absence de « perception » stratégique. Cette sorte de myopie et l’attentisme qui en résulte, dans un monde traversé par de puissantes forces émergentes et par des contestations sociopolitiques foisonnantes, peuvent conduire, tout aussi sûrement que la dette financière, au déclin stratégique, à l’extinction de la France dans le firmament mondial.
Les non-choix stratégiques successifs, tels qu’ils ont été entérinés par ces trois Livres blancs, ont conduit à sédimenter un appareil militaire multimissions très diversifié, donc hétérogène et coûteux, une sorte de « couteau suisse » prêt à d’innombrables éventualités, mais peu rationnel et, en tout cas, très au-dessus des capacités budgétaires d’un pays en crise. Ce modèle, si l’on peut dire, hors de portée de nos moyens financiers actuels, est surtout inadapté à la situation stratégique telle qu’on peut la percevoir, à un environnement européen délétère et à un contexte mondial volatil et dégradé.
Ces non-choix ne sont pas de la responsabilité des Commissions successives du Livre blanc ; pour être techniquement compétentes, elles n’ont aucune légitimité à exercer une quelconque autorité stratégique. Celle-ci appartient aux dirigeants politiques et, en particulier, de par la Constitution, aux présidents de la République qui disposent de toutes les capacités d’analyse et d’investigation de l’État.
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