Editorial
Éditorial
On l’a souvent exposé ici, la carte de visite stratégique de la France est brillante : patrie des droits de l’homme, poumon d’une francophonie d’exception, moteur de la construction européenne, acteur permanent du Conseil de sécurité, adepte d’une communauté internationale articulée sur le droit et la justice, grande puissance moyenne à la capacité militaire éprouvée. On a aussi évoqué son équation stratégique à trois axes, le continental qui requiert l’Union européenne, le méridional avec ses engagements méditerranéen et africain, l’atlantique qui organise la solidarité américaine et, derrière elle, la vision planétaire. On a volontiers décliné ses atouts géopolitiques de cap occidental de l’Eurasie, géo-économiques de laboratoire des intégrations industrielles complexes et de l’économie sociale de marché, et sociétaux de relais démographique de l’Europe vieillissante. Chacune de ces dimensions stratégiques a sa trace plus ou moins explicite dans les Livres blancs. La posture de défense de la France les a prises en compte.
On a moins parlé des atouts essentiels que lui procuraient ses outremers bien répartis dans la planète globalisée. Elle pourrait en tirer aujourd’hui bien meilleur parti pour développer une véritable ambition du large en y établissant les relais d’une nouvelle croissance, les bases d’une réelle sécurité économique durable pour figurer enfin parmi les puissances de la mer. Mais on semble encore négliger en France le phénomène général de la maritimisation mondiale, en le réduisant à une simple perspective industrielle et commerciale, sur fond de compétition interministérielle voire, au sein de la défense, de tensions interarmées.
Or si nous devons développer une nouvelle dynamique maritime, c’est parce que nous sommes mieux dotés que quiconque en Europe pour ce faire. Car voici une autre carte de visite prestigieuse : une métropole placée au carrefour des artères maritimes les plus denses du monde, des relais océaniques sur tous les continents, une industrie de construction navale performante qui conçoit et assemble les unités les plus complexes, et des opérateurs majeurs capables d’installer de lucratives activités industrielles en mer.
C’est aussi parce que notre exposition économique à la mer est plus importante que jamais ; c’est dans nos ports qu’arrivent les richesses et les ressources indispensables à notre prospérité ; c’est de là que partent nos exportations vitales et toute la logistique de nos expéditions humanitaires et militaires. Ainsi, la protection des activités maritimes du pays est-elle devenue un impératif vital. Il faut à la fois valoriser et sécuriser le large réseau des outremers français dont les ressources humaines, matérielles, minières sont des territoires essentiels de développement mais aussi les préserver des tensions liées à des appropriations antagonistes qui reproduisent des schémas continentaux belligènes. La mer développe une approche coopérative des échanges et des compétitions et une déontologie que fondent les valeurs que partagent tous ceux qui la fréquentent assidûment. La défense et la sécurité du territoire, et le développement du pays passent aujourd’hui par la mer.