Editorial
Éditorial
Aborder une nouvelle année stratégique, c’est faire un point à la fois sur ce qui vient de se passer et sur ce qui est attendu, mais aussi essayer de scruter l’avenir pour se préparer à ce qui pourrait advenir. Au long de l’année achevée, la vie militaire n’aura pas été un long fleuve tranquille, qu’on en juge par les opérations d’urgence en Afrique pour commencer (Serval) et pour finir (Sangaris), par des réformes structurelles fondées des contractions et un repli sur un cœur de métier réduit à l’emploi opérationnel.
Les questions de défense auront été traitées activement, avec un Livre blanc et une Loi de programmation militaire (LPM) et, pour finir, un Conseil européen traitant de défense européenne. Sur ce qui s’annonce, chacun voit le retrait programmé de nos dernières forces d’Afghanistan et le début d’une migration des centres nerveux de la Défense vers le site de Balard, notre « Hexagone ».
Avec tous ces repères, la voie de 2014 devait être tracée, la feuille de route de la défense établie et la suite n’était qu’un simple « art d’exécution ». Ce n’est pourtant pas le sentiment qui prévaut dans la communauté stratégique comme dans la société militaire. On a l’impression d’une incertitude persistante voire d’une inquiétude croissante. Voici trois pistes de préoccupation pour commencer l’année 2014.
Tout d’abord, la condition militaire est devenue difficile dans la société française alors que la communauté de défense ne représente plus que 0,26 % de la population française et que ses engagements et ses contraintes semblent de plus en plus éloignés de ceux d’autres agents de service public et plus généralement du reste de la population. À l’échelle européenne ensuite, l’abstention militaire de nos voisins dans les opérations que la France entreprend accroît l’incertitude en matière de solidarité politique ; elle est de fait inquiétante. Enfin à l’échelle stratégique, le brouillard se répand, de plus en plus épais. Des crises à répétition, tragiques (Syrie), des perspectives brouillées (Ukraine), des accords complexes (Iran), des tensions illisibles (mer de Chine). Des opérations hier nécessaires (Harmattan, Serval) aux conséquences fragiles ont ouvert des perspectives instables (Libye, Mali). Plus largement, les tensions monétaires et les désordres sociaux dans les pays développés, les questions insolubles imposées par la saison arabe à la Méditerranée, la surexposition à la prédation cybernétique et à la manipulation des marchés, des médias, des sociétés criminelles créent un climat fait de fragilité et de vulnérabilité, un sentiment général de précarité stratégique.
Comment ne pas s’abandonner à la morosité ? Certainement en réfléchissant à la façon de mieux arrimer les questions de sécurité aux questions de société (la Garde nationale revient comme une requête). Certainement en entretenant les atouts inaliénables, militaires et stratégiques, de notre pays (on parlait récemment des enjeux ultramarins). Certainement en explorant de nouveaux espaces d’efficacité opérationnelle tirés de récentes expériences de terrain, en favorisant de nouveaux partenariats industriels utiles et de nouvelles coopérations de défense et de sécurité, principalement avec nos voisins.