Ce retour détaillé sur les causes structurelles des récentes révoltes du monde arabe explique les incertitudes stratégiques durables qui grèvent le développement des sociétés arabo-musulmanes.
Les incertitudes stratégiques liées aux « révolutions » arabes
Strategic uncertainties related to Arab "revolutions"
This detailed report on the structural causes of the recent uprisings in the Arab world explains the long-term strategic uncertainties incurred in the development of Arab-Muslim societies.
Depuis trois ans, une vaste zone, allant de l’Atlantique au golfe Arabo-Persique et incluant le Sahel, est sortie d’une relative stabilité politique qui a duré plusieurs décennies, pour plonger dans des troubles et une instabilité qui affectent, à des degrés différents, tous les pays qui la composent.
Auparavant, la situation semblait « rassurante » pour les États du nord de la Méditerranée : au sud, des régimes autoritaires étaient apparemment solidement installés ; ils présentaient une façade « modernisante » trompeuse ; ils étaient liés par des Accords d’association à l’Union européenne et ils participaient à tous les « dialogues » auxquels on les conviait, qu’il s’agisse du Processus euro-méditerranéen de Barcelone à partir de novembre 1995, ou de l’Union méditerranéenne promue en 2007, sans oublier le Dialogue méditerranéen de l’Otan lancé en 1994 et le « 5 + 5 » du bassin occidental. Ces régimes avaient le grand mérite de lutter contre l’« islamisme » et leurs services de sécurité coopéraient étroitement avec leurs homologues du nord dans la guerre contre le terrorisme, surtout à partir du 11 septembre 2001. Certains d’entre eux participaient même à la politique d’endiguement de l’immigration clandestine en direction de l’Union européenne. Tout allait donc pour le mieux et cela d’autant plus que, au Nord, était largement partagée la conviction que ces peuples ne pouvaient être gouvernés que de façon directive. On fermait donc les yeux sur tout : les abus dont se rendaient coupables ces pouvoirs, les violations systématiques de la légalité, leur déficit de légitimité, leur maintien par la coercition et les fraudes électorales, l’absence d’État de droit, les enrichissements sans cause d’une minorité, le creusement des inégalités sociales, autant d’ingrédients alimentant les sentiments de désespoir et d’humiliation des populations, des sentiments en partie instrumentalisés par les extrémistes.
Les troubles qui ont éclaté d’abord en Tunisie en 2011, puis en Égypte, ont abouti à la chute du président Ben Ali le 14 janvier 2011, suivie de celle du président Moubarak au Caire le 25 février. Ce fut une surprise pour tout le monde. Pourtant, des événements antérieurs survenus en Algérie à partir d’octobre 1988 et leurs conséquences tragiques auraient dû attirer l’attention sur ce qui risquait de se passer ailleurs.
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