Dans cette présentation académique, ce sont la place et le rôle que jouent dans l’immense espace saharo- sahélien les frontières entre des peuples mobiles et des États postcoloniaux qui sont présentés. La défaillance étatique généralisée explique que s’y soient installés en toute impunité des groupes mafieux et terroristes.
Le rôle et l’utilité des frontières nationales en zone saharo-sahélienne
The role and utility of national border in the Sahara-Sahel zone
In this academic presentation, the places and roles played by the boundaries between mobile peoples and postcolonial states in the immense Sahara-Sahalien space are presented. Widespread state failure there explains that these are arranged with impunity by the mafia and terrorist groups.
L’espace saharo-sahélien recoupe celui de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) créée le 4 février 1998, à Tripoli, en Libye, à l’issue du Sommet réunissant les chefs d’État de la Libye, du Mali, du Niger, du Soudan et du Tchad. Cette Organisation internationale regroupe 28 États situés dans le Nord, l’Ouest, le Centre et l’Est de l’Afrique. L’immensité de cette zone contraint à limiter le champ d’analyse à certains États, à savoir la Centrafrique, l’Égypte, le Liberia, la Libye, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Nigeria, le Niger, le Tchad, la Tunisie et le Soudan auxquels nous ajouterons des États non parties à cette organisation, l’Algérie et le Cameroun, eu égard aux interférences existant entre tous ces pays. La zone faisant l’objet de cette réflexion est centrée sur ces pays qui partagent des frontières communes, ce qui amène à examiner le rôle et l’utilité des frontières nationales sur leur assise spatiale. L’intérêt de cette étude tient aux réalités qui prévalent sur le territoire des entités étatiques et aux rapports qui prédominent entre celles-ci. Nous examinerons d’une part, les interactions entre les États saharo-sahéliens, et d’autre part, les frontières saharo-sahéliennes comme clé de voûte d’une nouvelle approche de la sécurité caractérisée par une menace réelle.
Les interactions entre les États constituant la zone saharo-sahélienne
Ces interactions sont manifestes aussi bien par la circulation des personnes et des biens que par des différends frontaliers entre les États.
La circulation des personnes et des biens
L’Afrique, bien avant la colonisation, était clanique et tribale mais le tracé des frontières n’a pas tenu compte de cette vie en communautés (1), de sorte qu’un même peuple a pu être séparé. Reparties sur plusieurs territoires étatiques, les populations vont continuer à se fréquenter. Pour mieux réglementer ces déplacements africains, après les indépendances, divers instruments sont adoptés par les organisations internationales. La CEN-SAD emboîte le pas à ses devancières, en prévoyant la suppression de toutes les restrictions qui entravent la libre circulation des personnes. Les déplacements de populations dans cette zone sont denses, à cause des personnes parlant la même langue et appartenant à la même ethnie qui se retrouvent dans plusieurs pays : les Misseriya et des Salamat en Centrafrique, au Tchad et au Soudan ; les Zaghawa au Soudan et au Tchad ; les Touareg au Niger et au Mali. Par ailleurs, la pratique de la même activité (l’agriculture et l’élevage) est susceptible de rapprocher les populations saharo-sahéliennes ; les aléas climatiques (la sécheresse) et l’austérité (2) favorisent le déplacement des éleveurs et des agriculteurs à la recherche de pâturages verdoyants et de terres humides favorables aux bétails et aux cultures (3). Constituant des points d’appui stratégiques à la survie, ces espaces peuvent très vite engendrer des conflits entre les groupes, surtout lorsque leur accès s’en trouve limité. Aussi, l’espace saharo-sahélien constitue-t-il le lieu d’un important flux de migrations (4) pour des personnes qui souhaitent accéder au continent européen. Si les rapports entre les peuples saharo-sahéliens sont au beau fixe, ce n’est toujours pas le cas des entités étatiques qui entretiennent parfois des relations tumultueuses.
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