Editorial
Éditorial
Si la communauté militaire s'est rétrécie depuis vingt ans, elle ne s'en est pas pour autant affadie. Le retour à des engagements militaires durs a forgé un nouvel état d'esprit et construit une nouvelle combativité de forces désormais articulées sur des échelons d'emploi plus réduits et mieux spécialisés.
Ils contrastent avec les temps des escadres, des unités mécanisées et des quartiers généraux interalliés de la guerre froide, et de la non-bataille. Les temps actuels sont faits de rudes combats, exigeants en termes de condition physique, de capacité tactique et d'esprit de décision à tous les niveaux de la chaîne d'engagement politico-militaire. Ils mettent à leur juste place les approches technologiques et managériales de l'immédiat après guerre froide comme les entreprises civilo-militaires et multinationales de décennies à la recherche d'une gestion onusienne ou européenne des crises.
Certains, à la faveur des commémorations de la Grande Guerre, espèrent un retour aux traditions de « l'Armée » et aux fondamentaux de « la guerre », que l'ère nucléaire aurait dénaturés et la manœuvre dissuasive ignorés. D'autres affirment que si l'histoire se continue toujours elle ne se répète jamais et récusent l'abord classique du métier des armes. Ce flottement suggère de possibles surprises militaires que la technique (« du nano au méga ») permettrait ou qu'une alliance classique (occidentale, atlantique, européenne) masquerait.
La réalité est qu'il faut une fois encore redéfinir le périmètre d'emploi opérationnel des forces et pour cela adapter leur préparation à l'urgence et aux nécessités des engagements de sécurité du pays. Si le catalogue des intérêts stratégiques de la France n'a guère évolué depuis la fin de la guerre froide, le contexte socio-économique et l'environnement politico-stratégique sont en constante mutation. Les vulnérabilités se sont développées aussi vite que les menaces militaires directes s'effaçaient. Les secteurs d'intervention de la défense se sont diversifiés alors que la nécessité d'agir en amont s'imposait. C'est ainsi mais l'incertitude généralisée qui prévaut n'est pas nécessairement la marque d'un danger militaire croissant. Les réformes successives engagées depuis vingt ans, toutes nécessaires et toutes imparfaites, mettent les armées au défi de se tenir prêtes à toutes les éventualités.
Et c'est consciente de cette complexité que la communauté militaire cherche à paver la voie de la défense du pays, de la protection de sa population et de la sécurisation de ses intérêts. Mais ses tâches régaliennes sont aujourd'hui compliquées par un cadre républicain qui voit la fraternité de plus en plus à l'étroit entre la liberté et l'égalité, alors que la fraternité d'armes reste le cœur de son identité. Et c'est de plus en plus imperceptible dans la société française, de plus en plus contrainte dans ses dotations, de plus en plus tenue à l'écart des élites, des cercles de pouvoir et de décision, que cette communauté vibrante ajuste sa « militarité ». Soucieuse d'un point d'équilibre stabilisé entre toutes les contraintes qui pèsent sur son action, elle a besoin d'un nouveau contrat de confiance pour entretenir les ressorts de son sens du sacrifice au service du bien public, de l'intérêt général et de la défense du pays.