L’Amérique, qui a entamé un grand mouvement de retrait, n’en semble pas moins en passe de gagner son pari de surveiller la planète, grâce à sa maîtrise totale du cyberespace. Cette domination est-elle pour autant pérenne ? Non, si l’Europe se sort du piège tendu, avec ses armes et sur son terrain : l’état de droit.
Cybernétique : sortir du piège américain
Cybernetics: out of the American trap
America, which began a great movement of retreat, does not seem any less poised to win its wager on monitoring and surveillance of the planet, thanks to its total control of cyberspace. Is this domination sustainable? No, not if Europe can come out of this trap, arms in hand and on its land: the rule of law.
Dans l’esprit des Américains, la cybernétique n’a jamais été un outil de liberté mais de contrôle du monde, et l’instrument de leur destinée manifeste. Ils en ont vu, les premiers, les capacités réalisatrices. Ils y ont investi, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, des moyens considérables. Telle l’araignée, ils ont patiemment tissé leur toile pour aboutir à un contrôle dont ils ne se départiront pas malgré la découverte récente, par le reste de la planète, de leur emprise. La seule cyberguerre dont on puisse parler est bien cet aboutissement d’un projet impérial, qui contrebalance défaites militaires et échecs industriels.
On a cru que le cyberespace serait un espace idéal d’anarchisme libertaire, lieu d’échanges rhizomatiques (concept développé par Gilles Deleuze et Félix Guattari), s’affranchissant du marché tandis que s’abolissait la contrainte de la reproduction et que se généralisait la dématérialisation. Dans le prolongement de cette idée – trop rapidement acceptée – de la disparition d’un pouvoir verticalisé, se construisait à bas bruit la fausse idée d’un espace sans possibilité de concentration. Ainsi le projet Blueseed, plate-forme au large des eaux américaines, qui devrait servir d’incubateur de start-up, poursuit cette utopie d’un monde sans lieu ni loi.
Nous savions toutefois que cette conception du cyberespace devait prendre en compte la pensée du réseau développée par les fondateurs de la cybernétique, et leur volonté de créer une société transparente. Nous connaissions leur hantise du secret et leur prévention pour les rencontres physiques supposées être autant d’incitations au meurtre et au traumatisme. Leur nouvelle société placerait chaque individu dans une bulle de verre, et cette transparence devait garantir la soustraction de l’homme à la barbarie. Il s’agissait de créer de nouveaux modes de rencontres entre des individus abrités derrière une communication expurgée de tout risque de violence.
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