Pax Christi : La paix sans la bombe ? Organiser le désarmement nucléaire
Pax Christi : La paix sans la bombe ? Organiser le désarmement nucléaire
Connaissant les positions anciennes de « Justice et Paix » et Pax Christi sur l’arme nucléaire, on s’attendait à plus de vigueur. La prudence épiscopale est ici de mise. Des 140 pages, 100 sont consacrées à l’historique de l’ère nucléaire militaire et à l’état des lieux, 40 seulement au vrai problème, qui est l’avenir de l’Arme.
L’exposé des faits est impeccable. Ainsi sur l’ordre discriminatoire créé par le Traité de non-prolifération – Jean Klein est l’inspirateur de ce chapitre –, sur la dissuasion française et l’obstination aveugle avec laquelle on en perpétue la théorie, sur les errements même de l’Église catholique, plus compréhensive que les protestants à l’égard de la dissuasion, sans doute en considération de la menace que l’idéologie marxiste faisait peser sur le monde au temps de la guerre froide. Celle-ci terminée, une franche mise en question de l’arme s’impose. On ne la trouve pas ici, et pour cause. On se refuse à voir le paysage stratégique en sa nouveauté : la Grande Guerre n’y figure plus et nul n’imagine vraiment son retour.
Certes, on reprend, à nouveaux frais, la réflexion sur la compatibilité de l’arme nucléaire et de la morale, mur sur lequel buttent depuis l’origine juristes et religieux. On démolit, tâche facile, les arguments de Bruno Tertrais sur l’articulation de la dissuasion nucléaire et de la guerre juste. On en vient enfin à la France, qui ressasse un catéchisme périmé. On regrette que cette obstination nous entraîne à des perfectionnements sans rime ni raison (le M51 en 2018). On déplore, à juste titre, les excès où nous conduit le dogme de la liberté d’action dont bénéficierait un État nucléaire. Ainsi relève-t-on, dans le Livre blanc de 2013, une monstruosité méconnue : le lien y est fait entre nos interventions extérieures et notre dissuasion, celle-ci étant la condition de celles-là.
Tout cela est bon, mais reste en deçà de ce qu’on espérait. On se consolera en découvrant, à la page 105, une perle rare. C’est une réflexion de Lucien Poirier, émise en privé, semble-t-il. Si la menace nucléaire échoue, dit-il, « ce n’est plus la peine de tirer ». ♦