Les pierres d’angle ; à quoi tenons-nous ?
Les pierres d’angle ; à quoi tenons-nous ?
Le terrible réquisitoire dressé par Chantal Delsol dans L’âge du renoncement (cf. RDN, octobre 2011) nous avait laissés désemparés. On attendait la suite. La voici, revigorante à souhait. Les pierres d’angle, ce sont « les référents culturels confiés à notre garde » : la dignité de la personne, l’espérance, la vérité, pierres taillées exclusivement par le judéo-christianisme.
La « personne » est notre première trouvaille. Aucune autre culture, dans l’histoire du monde, ne l’a dévoilée. Dévoiler, à vrai dire, le mot n’est pas bon : « l’être humain est digne parce que mystérieux ». Seuls à consentir au repentir – en dépit des excès où la mode nous entraîne – nous sommes éducateurs du monde : voyez l’esclavage ! Les Lumières, dit-on, ont repris et enrichi l’humanisme chrétien ; elles l’ont corrompu. Au bonheur, invention des Lumières, préférez la joie. Le bonheur n’est que faux-semblant : « La modernité déploie au plus haut point, et de façon quasiment officielle et obligatoire, le divertissement pascalien ».
L’espérance n’est pas innée. Décision personnelle, elle n’est pas non plus rationnelle. Simplement, « quelque chose manque dont on ne sait pas le nom ». Là encore, ce qui subsiste d’espérance n’est qu’héritage dévoyé. Ainsi du progrès : « Les courants contemporains, qui croient s’imposer en vainqueurs des religions défaites, sont en réalité leurs héritiers ». Coupées de leur source, ces survivances sont sans avenir : « La démocratie, dit Tocqueville, fondée sur un capital spirituel, vit en épuisant peu à peu ce capital qu’elle est incapable de renouveler ».
La vérité enfin, comme l’espérance, n’est pas une évidence. Elle aussi résulte d’un choix. Inatteignable sans doute, la foi en son existence est vitale. Or la vérité est aujourd’hui sous tutelle étatique : par ses « lois mémorielles », l’État décrète l’histoire.
Le dernier chapitre revient au pessimisme du livre précédent : « L’abîme existe », c’est l’athéisme. Au moins est-il identifié : apparu en Occident, lui aussi, et pour la première fois dans l’histoire des hommes. Quelque infime et éphémère que l’auteur le juge, l’athéisme est une guerre, guerre contre le christianisme dont notre ministre dit de l’Éducation nationale est le premier combattant. Pas de guerre sans but. Le vide est le but de celle-ci : « Installés dans un néant bien propre, nous sommes habités par un désespoir tout neuf : celui du rien ». Et le pauvre sapiens sapiens, floué, « ne sait même pas qu’il pleure à l’intérieur ».
Lisez ce livre, s’il vous plaît, il y a urgence. Tout, pourtant, n’est pas dit. L’auteur nous a parlé de foi et d’espérance. Manque la troisième vertu théologale : la charité. Manque aussi son Inventeur, Jésus. Allez Chantal, encore un effort !