Jacques Hogard, stratège de la contre-insurrection
Jacques Hogard, stratège de la contre-insurrection
Jacques Hogard, auquel Mériadec Raffray consacre cette étude, est entré à Saint-Cyr en 1939. Sa promotion a fourni à notre armée de grands généraux, Vanbremeersch, Méry, Lagarde, Guy Le Borgne. Elle compte aussi quelques penseurs. Deux de ceux-ci se sont intéressés à ce que leur époque imposait : la guerre subversive et la façon d’y faire face. Le premier est David Galula, ignoré en France jusqu’à ce qu’il nous revienne d’Amérique où Petraeus en avait fait son catéchisme pour l’Irak et l’Afghanistan. Le second est Jacques Hogard, bien oublié aussi car il a peu publié. Mériadec Raffray le remet au goût du jour, dans la collection que dirige chez Économica Vincent Desportes.
Jacques Hogard, décédé en 1999, avait une solide expérience de terrain. Il a servi près de huit ans en Indochine, de 1945 à 1953, et en Algérie trois autres années, de 1958 à 1961. Disciple de Trinquier et plus encore de Lacheroy, il appartient à ce qu’on peut appeler l’école française de la guerre anti-subversive. Il fut l’inspirateur de deux textes datés : la « Directive sur l’emploi tactique des Forces terrestres », en 1956, faisait la part belle à la lutte contre la subversion, envisagée sur notre propre territoire ; l’« Instruction sur l’emploi de l’arme psychologique », parue en 1957, n’eut que trois ans de vie, avant que de Gaulle ne mette un terme à ce qu’il tenait, non sans raison, pour dérive dangereuse.
Restituée aujourd’hui, c’est par l’analyse de la guerre subversive elle-même que l’œuvre de Hogard se distingue. Les anciens y retrouveront ce bloc de cruauté que constituent les techniques marxistes de prise du pouvoir. Les « masses » étant à la fois moyen et objectif de la lutte, voici les hiérarchies parallèles noyautant le peuple, la pratique démoniaque de l’autocritique, le devoir de guerre auquel nul ne saurait se soustraire. Nos guerres, quelque sanguinaires qu’elles furent, n’étaient que partielles, celle-ci est la vraie guerre totale. Ses succès furent impressionnants, au point que certains la jugèrent invincible.
Jacques Hogard ne la voyait pas ainsi et proposa un « Memo » de l’anti-subversion. L’essentiel est vite dit : réponse du même type, action politico-militaire et prise en main de la population. On sait où le bât blesse. La cohérence de l’action subversive du Viêt Minh tenait à l’idéologie qui la justifiait. Hogard, comme Galula, n’avait rien de semblable à lui opposer. Le socle de notre action ne pouvait être du même ordre. La démocratie que nous voulions établir n’est pas un régime exaltant. C’est sa faiblesse que de ne pas se prêter aux stratégies de fer. C’est aussi sa force : ne la voit-on pas, aujourd’hui, triompher ?