La décision de lancer une opération militaire met souvent l'exécutif français et la cohésion nationale à l'épreuve. Comblant le vide doctrinal apparent, tout en laissant de la souplesse, l'auteur propose un guide décisionnel axé sur l'analyse stratégique, un certain pragmatisme et le souci de la communication.
Avant-propos - Interventions militaires extérieures garantir notre capacité de décision ?
Foreword–Foreign Military Interventions: Ensuring our Ability to Make Decisions?
The decision to launch a military operation often puts the French executive and national cohesion to the test; bridging the apparent doctrinal void, allowing for the flexibility of all, the author offers a decision-making guide on the strategic analysis, focusing on pragmatism and communication concerns.
Nos dernières opérations extérieures ont suscité en France des réactions très différentes, allant de profondes divisions pour le Kosovo à l’union sacrée pour le Mali, en passant par de fréquents atermoiements dans le cas afghan. Cette volatilité et ces dissensions pourraient faire penser qu’il manque à la France une doctrine claire et pérenne qui lui permette de décider de sa participation à une opération. Comment trancher lorsque l’exécutif, la classe politique et l’opinion sont en proie au doute ? Comment éviter que la prise de décision ne soit l’otage des agendas politiques ? Pour tout dire, comment continuer à valoriser la puissance décisionnelle du président de la République, capable de déclencher une opération sans passer par un processus parlementaire aussi lent qu’incertain (1) ?
Au début des années 1990, la doctrine Powell fut instituée dans le but de permettre de statuer efficacement sur l’engagement des forces américaines en se posant huit questions objectives. En France, même si un outil aussi abouti et exhaustif n’a jamais existé, il n’est pour autant pas totalement absent. De fait, de façon assez diffuse, mais bien constante, nos intérêts supérieurs ainsi que des considérations humanistes sont invoqués pour chaque opération. Plus formellement, le Livre blanc de 2013 inscrit clairement la « légitimité internationale » comme condition sine qua non de toute intervention extérieure (2).
Pourquoi alors n’irait-on pas en France au bout de cette démarche ? Une grille à l’américaine, ajustée à notre culture stratégique, serait ainsi bien précieuse pour une situation comme celle du dilemme syrien. Malheureusement, un tel outil correspondrait bien mal à notre approche des conflits, marquée par la discrimination des contextes d’engagement (3). Quel point commun en effet entre une opération à caractère humanitaire en Haïti, une projection de puissance aéronavale pour la Libye, un déploiement de troupes au sol en terre afghane et une opération de contre-piraterie dans la Corne de l’Afrique ? En outre, s’imposer un tel carcan ne serait-il pas fatal à notre liberté d’action, comme la fameuse « ligne rouge » sur les armes chimiques l’a été pour les États-Unis dans le dossier syrien ?
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