L’émotion a pris un rôle déterminant dans les sociétés démocratiques de sorte que son influence modifie leur façon de faire la guerre. Il est donc important d'en prendre conscience et de définir les risques qui peuvent peser sur le chef militaire. En particulier, la fugacité et la versatilité de l'émotion imposent une réflexion et des mesures essentielles pour lui permettre d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés.
L'intervention armée face à l'empire de l'émotion
Armed Intervention in the Face of the Empire of Emotion
Emotion has taken a leading role in democratic societies in such a way that its influence modifies the way that war is waged. It is therefore important to be conscious of and define the risk that can weigh on military leaders. In particular, the fleeting nature and versatility of emotions requires reflection and that essential measures be taken in order to help military personnel reach their assigned objectives.
« On intervient pour mettre fin à ce qui choque la conscience de l’humanité ».
D’après le spécialiste du droit international L. Oppenheim, cité par Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, La guerre au nom de l’humanité.
L’émotion, en même temps que l’image, a pris ces dernières décennies une place prépondérante dans nos sociétés démocratiques. Bien souvent, ce que l’on considérait comme la raison d’État lui cède aujourd’hui le pas, car ce que ressent le peuple compte en fait davantage. Le moindre fait divers devient l’occasion d’un changement d’agenda et d’un déplacement commandé d’un ministre. Ainsi, le métier des armes n’échappe pas à l’hégémonie de l’émotion.
Quand Clausewitz évoquait la passion du peuple, il s’agissait pour celui-ci de défendre ou de construire directement la nation. Le peuple appartient toujours à la « trinité » – gouvernement, peuple, armée – définie par ce militaire-philosophe, mais sa contribution semble avoir changé de nature. L’émotion a pris la place de la passion, l’empathie a chassé l’adhésion sociopolitique au projet. Les interventions armées sont humanitaires, à la recherche de la paix et de la prospérité mondiales ; il n’y a plus de quête nationale qui permette au peuple de se transcender. Les sentiments passent au premier plan parce que les bienfaits de l’industrialisation, de la médecine, de la paix en Europe occidentale et des libertés répandues ont favorisé la prise de conscience de l’individu en tant que personne autonome et digne en elle-même aux dépens du citoyen remisé au second plan.
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