De la dynamique qui caractérise l'actuelle scène internationale, aucune formule ne se dégage autour d'un modèle ou d'un système stabilisé de puissances. La gouvernance qui en tient lieu s'organise autour de jeux d'acteurs, anciens et nouveaux, qui combinent ou non leurs efforts mais encadrent leurs frictions. Il faudra vivre sans doute encore longtemps avec ce concert instable de pôles mal assurés.
Puissances fluides, équilibres instables
Fluid Powers, Unstable Balances
In the dynamic which characterizes the current international stage, no formula revolves around a model or system of stabilized powers. In lieu of this, governments are organized as a set of actors, old and new, who combine (or don't) their efforts but contain their frictions. We will probably live a very long time in this unstable system with its unsteady poles.
Parler d’équilibre, c’est parler de forces, donc ici des puissances et de l’organisation de leurs rapports. Or, si la notion même de puissance évolue au fil des temps, elle connaît sans doute aujourd’hui une métamorphose particulière.
Nouvelles puissances ?
La complexité du système international qui s’ébauche depuis vingt ans situe de manière inédite le triptyque classique qui fonde la puissance : la masse, la concentration de moyens, la volonté de s’imposer. La puissance intégrale n’existe plus guère, qui dominait diplomatiquement, économiquement, culturellement, militairement, sans contestation sérieuse. L’unipolarité américaine, dont on pensait qu’elle suivrait la domination des puissances « totales » sur des mondes séparés, n’a vécu que quelques étés. Pour être remplacée par un processus de diffusion de la puissance, de relative « égalisation par la puissance » : plus de sources de puissance font plus d’acteurs puissants, mais qui ne disposent que d’une puissance partielle : puissance locale, régionale ou puissance de spécialité, de niche (1). L’ensemble des puissances se décrit aujourd’hui comme une gradation d’acteurs pesant plus ou moins dans tout ou partie du système international : les puissances sont sans conteste plus nombreuses aujourd’hui que dans le système bipolaire, mais elles diffèrent aussi plus les unes des autres. Ajoutons que le « système de la puissance », qui la représentait et la légitimait hier, a disparu. On ne naît plus puissance, on le devient ; la puissance n’est plus réputée, elle se prouve, dans un monde irrespectueux des forts où de nombreux acteurs peuvent s’imposer, même fugitivement, aux dominants. Nul piédestal ne se propose aux forts comme au temps de la bipolarité qui avait réglé provisoirement la mise en scène des rapports de forces.
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