L’auteur propose en redécouvrant l'autorité, de retrouver l'origine et la finalité de celle-ci, et sa nature subsidiaire. Il pose que le principe de subsidiarité renouvelle sans le révolutionner l'exercice du commandement.
Apologie de la subsidiarité (2/2)
An Apology for Subsidiarity(2/2)
The author proposes a rediscovering of authority, its origins, and the purpose of it and its subsidiary nature. He poses the principle of a renewed subsidiarity without revolutionizing the exercise of power.
La subsidiarité ne remet en cause ni la hiérarchie ni sa responsabilité. Au contraire, le poids d’une autorité est d’autant plus fort que ses interventions sont rares, voire sollicitées. Elles deviennent alors une évidence pour le subordonné et apportent un nouveau souffle à l’action. Lorsque tout va mal, les regards se tournent vers le chef nous dit-on ; il devient alors un secours, une réserve (subsidium en latin !), et apporte une vraie plus-value. C’est ainsi dans l’adversité que se réalise le pacte de confiance entre chef et subordonné. Le commandant n’est pas directement visible dans l’action, mais on sait qu’il ne se dédouanera pas. Car un chef peut tout déléguer excepté sa responsabilité, qui précisément ne se délègue pas. On peut lire dans les manuels que le commandement est fondé sur la confiance alors que, simultanément, se renforce le poids des indicateurs, des directives de gestion et des emplois du temps à destination de l’autorité supérieure. Si co-mandare signifie bien confier et transmettre, il faudra bien un jour accepter une certaine dépossession. En ce sens, la transparence que l’on exige chaque jour est le contraire de la confiance. Elle décapite, par des indicateurs automatiques froids et informatisés, le dialogue du commandement. Elle rend l’autorité insensée et illégitime, en lui ôtant de facto le privilège de pouvoir répondre, littéralement de sa responsabilité.
La subsidiarité réalise en revanche l’union de la discipline et de la liberté. Le maréchal Foch soulignait l’importance de la discipline active, « conséquence de l’appel constamment adressé à l’initiative » (1). L’exercice d’un commandement subsidiaire n’invite pas à être « petit bras ». Lors des actions les plus éclatantes, les grands chefs constatent qu’ils sont dépassés par leurs troupes. Ils ne portent pas le soldat à bout de bras, mais règlent et régulent une troupe qui adhère déjà et par principe. Il est instructif d’observer la grande liberté dont jouissaient les grands chefs militaires du XXe siècle. C’est peut-être cette liberté qui, sans remettre en cause la nécessité de l’obéissance aux ordres, confère aux figures de l’histoire l’autorité qu’on leur prête aujourd’hui. Guderian, Rommel, MacArthur ou Leclerc se sont aussi construits par leur capacité à souvent dépasser, et, disons-le, parfois outrepasser les ordres reçus. Il arrivait au maréchal Leclerc de dire : « Ce que j’ai fait de mieux dans ma carrière, je l’ai fait en désobéissant » (cité par le général Alain de Boissieu en 1994 dans la revue Espoir). Les règlements militaires étaient pourtant exigeants et les cours martiales siégeaient encore. S’approprier systématiquement leurs ordres fut leur honneur et leur grandeur. Mais ils disposaient pour cela d’un espace de liberté à la mesure des enjeux. Ils ajoutaient ainsi aux ordres reçus leur propre volonté, leur capacité créatrice, exploitées jusqu’à l’épuisement de leurs compétences. Si nul ne conteste que la force des armées repose sur la discipline, l’histoire et la raison nous invitent aussi à admettre que la discipline n’est pas exclusive de la grandeur. On peut attribuer une part de l’autonomie et de l’autorité de Leclerc ou de Lyautey aux circonstances, au prestige de l’armée à leur époque. Force est de constater aussi que la culture du commandement était alors différente et sans doute plus subsidiaire.
Libérer les forces
La richesse d’une organisation se trouve dans ses hommes. Comment donc optimiser la richesse du capital humain, libérer ses potentialités ? Inspiré du modèle managérial XY de McGregor, le schéma en annexe illustre le cercle vertueux qu’enclenche le principe de subsidiarité. À la source du choix se trouve la croyance profonde qui règne au sommet de la hiérarchie. L’homme est-il capable en lui-même ? En tant que chef, soyons conscients que notre réponse à cette question conditionne les attentes que nous exprimons envers nos subordonnés, et donc la façon dont nos subordonnés s’adaptent à notre « style de commandement ». La bonne nouvelle, c’est que notre réponse à cette question est libre. Elle ne dépend pas des contraintes du temps, ni de la pression financière, ni des médias. Voilà pourquoi le leader est au cœur de l’efficacité d’une organisation. Loin de reléguer le chef au second plan, la subsidiarité le place à l’origine d’un cercle vertueux, puissant moteur de valorisation des ressources humaines. Au fil de sa carrière, chacun de nous a pu constater la distorsion, parfois cocasse, entre les responsabilités d’un officier de vingt-cinq ans à la tête de son unité ou de son bâtiment, et celles qu’il porte une fois promu commandant ou lieutenant-colonel en état-major. La répartition des tâches par en haut conduit par effet d’éviction à minimiser l’action des subordonnés en permanence. Avec le temps, c’est à un vrai gâchis de compétence que sont conduits nos cadres, quelle que soit par ailleurs l’efficacité des avancements successifs. Si l’on renverse la pyramide, chacun se trouve valorisé sans menacer les qualités supérieures reconnues au chef.
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