Le Cham, nom arabo-musulman de la Syrie, garde une trace profonde de l'administration confiée par la SDN à la France et au Royaume-Uni. Le Levant français fut un territoire délibérément divisé pour endiguer un nationalisme arabe stimulé par les Britanniques. L'actuel régime syrien, bien qu'héritier du Baasisme panarabe, recourt à cette même stratégie pour se maintenir mais menace de ce fait aussi le fragile équilibre politico-confessionnel libanais.
Le Levant, une nostalgie française
French Nostalgia for the Levant
In Arabic usage, al-Sham, the name usually given to Syria, retains a significant flavour of the administration given by the League of Nations to France and the UK. French Levant was a territory deliberately divided in order to hold in check the Arab nationalism stimulated by the British. The current Syrian regime, although based on pan-Arab Ba'athism, is harking back to the same strategy in its fight for existence and yet at the same rime is threatening the fragile politico-religious balance in Lebanon
Quand est apparu en Syrie un groupe djihadiste se présentant comme « L’État islamique en Irak et au Cham », le problème s’est posé pour la traduction du dernier mot. Les journalistes anglo-saxons ont conservé « Cham », le remplaçant parfois par « Syrie ». Seule la presse française a opté automatiquement pour « Levant ». Deux termes issus du passé, mais qui ne racontent pas la même histoire. Pour les Arabes, La Mecque était centrale. Quand les pèlerins arrivaient en vue des côtes, il y avait pour eux le pays à main droite (« Yamin », qui a donné le Yémen) et le pays à main gauche, le Bilad el-Cham. Il est aujourd’hui fréquemment employé comme synonyme de Syrie ou simplement pour faire référence à Damas.
Pour les djihadistes, le « Cham » revêt une importance religieuse. Leurs prêcheurs ne manquent jamais de rappeler que le Prophète l’avait célébré comme « la meilleure des terres d’Allah », où « les anges déploient leurs ailes ». Quand on parle du Levant, la religion se mêle aussi à la politique. Le mot évoque le côté où le soleil se lève, mais aussi le souvenir des croisades et les « échelles du Levant », les villes portuaires de l’Empire ottoman où François 1er avait obtenu de Soliman le Magnifique des privilèges commerciaux et la protection des chrétiens. La France vola au secours des maronites libanais en 1860 et obtint de la Sublime porte une autonomie pour le Mont-Liban. Aujourd’hui, le Liban a gardé l’usage du français. Et des rites sauvent la mémoire. Dès sa nomination, tout nouveau consul général de France à Jérusalem se rend à pied et en grand uniforme au Saint-Sépulcre, précédé de deux gardes en costume ottoman, pour se voir rappeler par un dignitaire du Vatican son obligation de protéger les chrétiens d’Orient.
C’est en vertu de cette longue présence que la France se partagea secrètement, et par avance, avec la Grande-Bretagne, les provinces arabes de l’Empire ottoman lors des accords Sykes-Picot de 1916. Grosso modo, Paris se réservait la zone Syrie-Liban, tandis que les Britanniques optaient pour la Palestine et la Mésopotamie où ils dessinèrent plus tard la Jordanie et l’Irak actuels, « à la règle et au crayon ».
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