De restructurations en fractures et décompositions, le Levant sorti de l'ère coloniale est entré pour l'auteur dans une phase sans doute irréversible de dérive à la libanaise, qui devrait voir des États de plus en plus postiches subir des frictions internes et externes qui en feront un pôle durable de violence.
La fin du Levant postcolonial ?
The End of Post-Colonialism in the Levant?
Restructuring amid splits and break-ups would seem to be the lot of the Levant as it leaves the post-colonial era and enters another, in which probably irreversible excesses such as have been seen in Lebanon are becoming the norm. Existing states are likely to become more and more irrelevant as they suffer from internal and external frictions which will surely lead to widespread and lasting violence in the area.
Le problème de la diplomatie, c’est qu’elle vit dans l’obsession de la stabilité. Maintenir ce qui existe et rebâtir ce qui a été détruit. Les médias, qui pourtant commentent le désordre permanent, vivent dans un état grégaire qui sacralise l’existant et n’imagine pas le changement. Toute rupture prévisible, toute crise largement anticipée est vécue avec le perpétuel émerveillement des néophytes.
La question du Proche-Orient, ou du Levant (1) pour reprendre la vieille appellation française, relève de la même problématique. La première déstructuration naît de la chute de l’Empire ottoman avec la création des mandats de la société des Nations et d’États en formation (Liban, Syrie, Irak, Jordanie, Palestine mandataire). Les accords Sykes-Picot (16 mai 1916) fixaient le partage des dépouilles de l’empire au détriment des Arabes après la Première Guerre mondiale. La seconde déstructuration émerge à la fin de la Seconde Guerre mondiale avec la création de l’État d’Israël par les Nations unies (1948) et l’indépendance réelle des États arabes. Cette création ex abrupto par l’ONU crée un abcès de fixation de guerres et de crises qui va interdire toute stabilisation définitive de la région jusqu’à aujourd’hui. Mais d’une certaine manière, la relation entre les divers protagonistes va progressivement trouver un point d’équilibre (Traités de paix avec l’Égypte et la Jordanie, guerre froide « sous contrôle » avec la Syrie et le Liban). La permanence de régimes arabes autoritaires sur la longue durée a facilité cette situation. Pourtant en dix ans, la situation a radicalement changé.
Fractures et décompositions
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