Peut-on se hasarder à évoquer un nouveau Levant ? Sans avoir été à l’origine de ce qui a été appelé successivement « Printemps arabe », puis « Automne islamique », le Levant a été affecté par l’onde de choc déclenchée par la révolution tunisienne et a subi ses effets d’entraînement qui ont ébranlé l’ordre arabe. Aujourd’hui, une restructuration des États et un remodelage de la région sont en cours. Peut-on les expliquer exclusivement par la dynamique interne ou l’attribuer à un plan de déstabilisation inspiré de la formule du « Grand Moyen-Orient » ? Comment évaluer la réalisation de la gouvernance démocratique et la satisfaction des doléances socio-économiques des populations ? Plus généralement, quels sont les nouveaux enjeux au Levant ? Autant de questions à examiner.

Les fondamentaux de la tension régionale

La question palestinienne constituait auparavant le principal marqueur et était l’objet d’une forte mobilisation populaire dans tout le monde arabe. La « cause sacrée » est depuis passée au second plan, sinon occultée. Elle constitue néanmoins une référence, une disposition de solidarité, toujours présente à l’esprit des Arabes. La guerre d’Irak et les divisions ethniques qui s’en suivirent, tout comme le développement du terrorisme, sont depuis devenus des sujets de préoccupation prioritaires. Fait important, depuis que s’esquisse la fin de l’ère du pétrole, le Levant est désormais sous l’influence des monarchies du Golfe, alliées à l’hyperpuissance américaine. L’Égypte, la Syrie et l’Irak ont vu leur puissance régionale s’amenuiser et ne sont plus des acteurs déterminants. Ils subissent désormais des processus qu’ils ne peuvent pas contrôler.