L'eau au Proche-Orient : enjeu stratégique et instrument de paix
Note préléminaire : l'article a été publié pour la première fois en février 1995
Le Proche-Orient, région comprise entre la Méditerranée, la mer Noire et les frontières irako-iranienne et jordano-saoudienne, connaît depuis le début des années 90 une inquiétante pénurie d’eau. La vallée du Jourdain a été ainsi qualifiée de water stress zone par le chercheur suédois Falkenmark (1). Les pays riverains y disposent, en effet, de moins de 500 m3 par an et par habitant : 165 m3 pour les territoires palestiniens et 300 m3 pour Israël comme pour la Jordanie. À l’opposé, les vallées du Tigre et de l’Euphrate – la Mésopotamie – représentent une zone de développement privilégiée : la Turquie dispose de 4 500 m3 par an et par habitant, la Syrie de 1 300 m3 et l’Irak de 4 400 m3 ; mais les périodes de sécheresse, les tensions politiques, fruits d’ambitions régionales opposées, et des politiques de développement irrationnelles compromettent la bonne gestion de l’eau et avivent les rivalités.
Dans cette vaste région semi-aride, l’eau est depuis toujours une ressource vitale. En Israël et en Turquie, considérée comme ressource stratégique, elle demeure sous le contrôle de l’armée ; en Jordanie, il existe un ministère de l’Irrigation et en Syrie, un ministère de l’Eau. Au lendemain de la guerre du Golfe et à l’heure d’un règlement de paix entre Israël et ses voisins, au moment où la Turquie affiche sa vision géopolitique, l’eau apparaît tant comme un révélateur des ambitions régionales que comme un formidable instrument de paix et de prospérité. Uri Shamir (2), professeur d’hydrologie à Tel-Aviv, résume ainsi la situation : « S’il y a une volonté politique de paix, l’eau ne sera pas un obstacle ; si vous voulez des raisons de
combattre, l’eau vous donnera nombre d’occasions ».
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