Billet - De la guerre et de son école
Le 20 janvier dernier, on fêtait place Joffre le retour de la guerre, plus exactement celui de l’école où on l’enseigne. C’est que, depuis la disparition de l’Union soviétique, elle n’était plus de mise : « guerre » devenue gros mot, c’est défense qu’il fallait dire. Faisant d’une pierre deux coups, on avait aussi décidé que l’École serait désormais Collège, gagnant ainsi en prestige international, ce dont notre académie militaire n’avait nul besoin, sa réputation n’étant plus à faire ; à tout problème, disait un bon mot où la vieille dame ne voyait pas malice, il y a deux solutions, la bonne et celle de l’École de guerre. L’affaire venait de loin puisqu’en 1969 déjà, le ministère des Armées, confié à Michel Debré, avait été rebaptisé ministère de la Défense.
Les commentateurs ont accueilli le renouveau de « l’École de guerre » comme l’aveu de ce qu’on cachait : foin d’hypocrisie, la chère disparue n’était pas morte, voici la guerre plus gaillarde que jamais (1). C’est une bien courte vue. Certes, le vocable défense n’était pas bon. Sous son apparente vertu, il permettait de mettre la guerre partout. Tout risque était menace, toute activité champ de bataille et la nature elle-même source de catastrophe ou capital à préserver. Le Livre blanc en a fait sa religion. Saluons donc le retour de l’École de guerre comme le rappel de ce pour quoi l’armée est faite et où il faut la cantonner. Le combat est son affaire et il convient de ne pas compromettre sa grandeur dans des aventures incertaines qui sont indignes d’elle, fussent-elles, comme en Afghanistan, à haut risque pour ceux qui y sont engagés. Que reste-t-il donc à l’armée, demandera-t-on, si vous ne voulez pas qu’elle aide les pauvres gens à mieux vivre et qu’elle sait très bien faire ? Il lui reste le devoir d’être elle-même, conservatoire de valeurs aujourd’hui méprisées mais qui – sait-on jamais avec ces diables d’hommes – pourraient un jour être la condition de notre propre survie.
Allons, un pas de plus ! On ne recommandera pas à Monsieur Juppé de se faire ministre de la Guerre ce qui, pour une nation nucléaire, serait un contresens. On lui suggérera un titre plus modeste : ministre des Armées. ♦
(1) Lire notamment Isabelle Lasserre dans Le Figaro du 21 janvier et, hélas, le général Vincent Desportes dans celui du 27.