Billet - La guerre des faux-semblants
La France est en guerre ! Et même, souligne la presse, en guerres. Aux armes citoyens ? Certainement pas, car la France n’est l’ennemie de personne, elle œuvre pour la gouvernance mondiale. C’est pourquoi le Parlement n’a rien voté car il n’est nul besoin de demander à la nation de déclarer des guerres qui n’existent pas puisque l’ONU s’en charge à notre place. Un souci de moins pour nos élus. Et puis l’article 35 nouveau de la Constitution permet de se contenter d’un débat et le vote d’une ligne Opex de suppler à la volonté générale. On lui laisse cela au Parlement, l’impôt, ça date du temps des rois : mais il faudra bien un jour supprimer cet archaïsme hérité des premiers États généraux.
Il paraît que dans le même temps l’armée déprime : nos concitoyens l’oublient. Comment les intéresser à ces guerres-sans-noms, eux qui, consultés, auraient sans doute dit « niet » au retour en Afghanistan et à la réintégration dans l’Otan en 2008, et « bof » à la nouvelle campagne des sables ? Et ce ne sont pas les reportages de journalistes embeddés, cadrés — aux sens propre et figuré — en plans américains afin que le pashtoun n’existe que lorsque notre soldat lui parle ou que le désert ne soit plus que le décor d’un trek un peu poussé, montrant des opérations qui ont ces airs de quadrillage du djebel que les Français s’étaient juré ne jamais revoir, qui vont les faire changer d’avis. Alors, puisque la légitimité de nos guerres ne vient pas d’un mandat, il faut la trouver ailleurs.
Mais comment deviner le soldat de Fontenoy, de Valmy, de la Marne ou de Bir-Hakeim sous un casque Otan, engoncé dans son armure Starship Troopers au camouflage standardisé, sauf à regarder le petit drapeau cousu sur l’épaule ? Même plus d’ailleurs, depuis que nos trois couleurs, qui flottèrent sur les tours du Kremlin, ont été troquées contre une rose des vents qui n’est que la boussole à quatre branches d’une Europe qui a perdu le nord, sauf lorsqu’on lui adjoint le suffixe atlantique. Ah ! Si encore nos chères têtes blondes jouaient aux petits soldats comme tant de générations avant eux ! Mais qui intéressera un gamin à une maquette de drone ? « Papa, ils ont oublié le pilote dans la boîte ! – Il n’y en a pas, mon chéri, il est planqué derrière son écran à 10 000 kilomètres. Mais tu as ces figurines de petits Afghans dans leur cour d’école… ». France at war!
Oubliés de la nation, nos soldats ? Juste la réaction attendue d’un vieux pays qui ne se reconnaît plus dans son armée otanisée. Laquelle feint de s’en étonner. Il fallait en parler avant. ♦