Billet - Liberté, laïcité et après ?
Restaurer l’esprit de défense est une tâche ardue à laquelle les spécialistes s’appliquent avec une constance méritoire. La difficulté tient en deux propositions : notre pays en ses frontières n’est menacé par personne ; le serait-il, il n’est pas certain que l’on trouve beaucoup de Français prêts à mourir pour sauver la société que l’on voit. Ma seconde proposition, dira-t-on, est sans valeur, la réapparition d’une grosse menace étant propre à susciter un patriotisme nouveau. Soit ! En attendant, les nostalgiques de l’esprit de défense ne ménagent pas leur peine pour substituer à l’amour de la patrie des « valeurs » qui mériteraient qu’on se batte pour les défendre ou les répandre. À y bien regarder, ils n’en proposent que deux : la liberté et la laïcité. Or ni l’une ni l’autre n’est, en soi, une valeur.
Passons sur le fait que, dans notre devise nationale, liberté et égalité sont parfaitement antinomiques. L’égalité ne saurait se maintenir sans la coercition, comme la preuve en a été apportée par le fonctionnement des régimes communistes tant russe que chinois ou cambodgien. La France s’efforce de se tenir dans l’entre-deux, ce dont beaucoup s’énervent, la fraternité – vraie valeur celle-là – ne suffisant pas à calmer les envieux. Si donc la fraternité est une vraie valeur, si l’égalité peut même être considérée comme telle, la liberté, c’est le zéro valeur. Non qu’elle soit sans mérite, le sien est immense : mais elle n’est qu’un socle désert offert à chacun pour y dresser les valeurs qui lui conviennent. L’illusion vient de ce que, pour qui est dans les chaînes, la libération est exaltante. Celle-ci, acquise, vous laisse le bec dans l’eau. Et après ?
Il en va de même pour la laïcité. C’est par l’islam qu’il convient aujourd’hui d’aborder ce second débat. Pour un musulman en pays d’islam, le concept n’a aucun sens et l’on peine à le traduire en arabe. Il en allait de même en notre Moyen-Âge. La vogue actuelle de la laïcité répond à la présence sur notre sol d’une communauté musulmane de plus en plus visible. Pour répondre aux inquiétudes que cette situation fait naître, le pouvoir ne dispose que de ce seul outil. Mais l’outil est fragile. La culture française est chrétienne, voilà le fait. Sur cette base culturelle est intervenue la rupture révolutionnaire. Totale au départ, la rupture a été rafistolée ensuite, d’où résulte une laïcité tolérante à la religion catholique : calendrier, patrimoine, processions et cloches. Faute de reconnaître ce porte-à-faux – ce qu’après de Gaulle, Nicolas Sarkozy fut le seul à faire – notre laïcité déséquilibrée est difficile à défendre devant des Musulmans devenus sans complexe. Fût-elle impartiale, la laïcité serait un bien pauvre rempart contre l’islamisation de notre société : comme la liberté, la laïcité est une non-valeur exemplaire. Si l’on redoute que l’islam ne tourneboule notre république, lui opposer la laïcité, c’est lui opposer le rien… et l’athéisme le moins que rien. Que reste-t-il donc pour faire face, de façon non violente il va de soi ? La discrétion s’impose. Devinez ! ♦