Billet - Résilience, résilience… ?
Résilience - Nom féminin emprunté à la métallurgie ou à la psychanalyse germanopratine, qui s’est infiltré, par la vertu du Livre blanc de juin 2008, dans les missions de l’armée française. Vient du latin resilire qui se traduit par « grand bond en arrière ». Le mot a le mérite de la concision, au prix d’une certaine perplexité de l’opinion. D’autant que résilience est toujours accouplé à sécurité, sans que la perplexité soit moindre devant une aporie aussi énorme, puisque c’est la faillite de celle-ci qui induirait celle-là. Le mot a surtout l’avantage de servir de cache-sexe à l’américanisation de la politique de défense, sécurité dite nationale et guerre relevant du même principe : de la Kapisa aux Tarterets, un seul front, un seul ennemi extérieur et intérieur. Comme à Hollywood.
La résilience se prescrit à titre curatif : on prévoit de rentabiliser les casernes en y parquant ces sauvageons identifiés dès la maternelle et pourquoi pas de leur offrir des croisières de rééducation sur nos BPC ou de les initier à la spéléologie dans les tréfonds des vestiges de la Ligne Maginot. Mais certains projettent à mots à peine couverts de faire de la résilience de manière préventive, par exemple en plaçant un blindé en pot-de-fleurs à chaque carrefour. On a même entendu un édile écologiste demander l’intervention de l’armée dans les cités. C’est la variante chilienne, qui permet de rentabiliser également les stades ou les vélodromes d’hiver ! Exemple de résilience : la Révolution nationale. Il fallait culpabiliser un peuple qu’on prétend régulièrement saisi par le défaitisme, censé préférer au combat les routes de l’exode. C’est du moins ce que prétendirent ceux qui avaient rédigé les Livres blancs d’alors et qui étaient déjà à Bordeaux quand leurs compatriotes résistaient encore sur la Loire.
L’opposé de cette résilience, qui fut aussi appelée renoncement par un général de brigade à titre temporaire, est la résistance, réaction forcément irraisonnée de ceux qui restaient debout à Londres plutôt que de s’allonger sur un divan à Vichy. À noter que chez les héritiers de ces derniers, le mot résilience est souvent remplacé par la périphrase suivante : j’ai ma conscience pour moi, j’ai fait comme on m’a appris, de toute manière j’attends d’être convoqué(e) chez le juge d’instruction. La concision y perd ce que la casuistique y gagne.
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