Billet - Les gens
Un jour que le Cadet se faisait vanter les mérites d’Internet sur son téléphone portable, le vendeur tenta de contrer son scepticisme avec cet argument qui se voulait définitif : vous pourrez consulter les heures des séances de cinéma de Shanghai. Avant que votre serviteur n’ait eu le temps de s’enquérir de la manière et surtout de l’intérêt de se rendre le soir même à Cathay pour y voir les mêmes films qu’à Paris, le quidam poursuivit : c’est un nouveau monde. Certes, mais dans ce monde forcément global, il y a les gens.
Prenez le film Wargames de John Badham qui date de 1982 et qui nous parlait de cyberguerre, déjà. À l’époque les spécialistes s’étaient récriés : on ne peut pas entrer dans l’ordinateur de ciblage des missiles, il y a des sécurités. Trente ans après, on découvre que le principe d’intégration en réseau et l’accessibilité par Internet nous permettraient, avec un téléphone et depuis la terrasse d’un café, d’être aussi puissants qu’un Guderian en 1940 mais qu’il est trop tard pour faire machine arrière vu les avantages apportés par ailleurs. Et personne n’avait apparemment pensé qu’il serait beaucoup plus amusant de pénétrer des systèmes de défense que de savoir ce qui est projeté dans les salles à Montevideo.
Alors on palabre, comme à cette chaire de cyberstratégie récemment créée à l’École militaire, où l’on dispute de nouvelles frontières, de nouvelles intrusions et de nouveaux paradigmes, un peu comme si une fois engloutis des milliards dans la Ligne Maginot, on s’était brusquement interrogé du moyen d’éviter que les Allemands ne passent à côté, que dis-je, n’aient l’idée même de la contourner. C’est qu’ils sont contrariants tous ces gens qui savent depuis toujours que lorsqu’on intègre un système on le fragilise suivant le vieil adage qu’une chaîne n’est pas plus solide que le plus faible de ses maillons. Pour un front, un réseau informatique ou une zone monétaire, la meilleure protection reste la structure en grumeaux, la défense ajourée, celle de Vauban et de Séré de la Rivière, celle célébrée par Clausewitz et Liddell Hart. C’est celle de tous les réseaux de résistance, Anomynous ou pas. À quand une chaire du bon sens ?
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