Billet - Géographie persique
Monsieur George n’est pas content ! Il faut dire que Monsieur George semble mettre un point d’honneur à valider ce que son compatriote Mark Twain disait de lui : « Dieu a créé la guerre afin que les Américains apprennent la géographie ». Qui ne se souvient de ces grandes cartes en carton qu’on accrochait, au mur de nos classes, par deux trous cerclés de fer ? On y apprenait à placer les pays les uns par rapport aux autres, on y acquérait surtout la notion des distances. Je fis un jour découvrir à un diplomate de Monsieur George que l’Iran était bien loin de Washington comme de Paris, et que Jérusalem, troisième lieu saint de l’Islam, était enchâssé au cœur d’Israël, sanctuarisation de l’État hébreu s’il en est. Je l’imaginai, de retour à son ambassade, se précipitant sur un atlas. Il y aura également compris pourquoi les Iraniens n’ont nul besoin de la bombe pour se faire comprendre : deux cents canots montés par un millier de Pasdarans, traversant de nuit le détroit d’Ormuz pour débarquer à l’aube sur la skyline du front de mer de Dubaï, sont suffisants. Et que dire des terminaux pétroliers qui côtoient dans cette région des Émirats les usines de dessalement d’eau de mer ?
Il serait temps de réaliser qu’une galéjade comme « Iran bomb or bomb Iran », qui tient lieu de politique à certains, ne peut que se fracasser sur ce dessus des cartes. Chacun sait que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, et ce n’est pas parce que les Nord-Coréens font les pitres qu’il faut nous croire autorisés de continuer à faire les clowns. Il faudra bien qu’on nous explique un jour pourquoi la Perse n’aurait pas le droit de posséder les armes de souveraineté sur lesquelles nous autres, Israéliens compris, fondons notre indépendance.
Cette réponse, je ne pus l’obtenir de mon très excité secrétaire d’ambassade qui justifiait une attaque légitimement préemptive en me décrivant, façon L’invasion jaune de Driant, l’arrivée imminente des hordes perses. Il me venait à l’esprit Jaurès qui s’élevait contre ce comportement compulsif du « fatum de l’offensive » : lorsque vous ne savez pas quoi faire, attaquez ! disait-on à Saint-Cyr avant 1914. Mourir pour nos amis qataris, leurs ballons ronds, leurs prédicateurs salafistes et leurs amis de Libye, de Syrie ou du Mali qui ne sont pas les nôtres, ne doit pas nous faire oublier ce discours d’un autre George, Patton, immortalisé par le pré-générique du film éponyme : « Now I want you to remember that no bastard ever won a war by dying for his country. You won it by making the other poor dumb bastard die for his country ». Ce qu’avait déjà résumé le général Lanrezac dans une formule plus lapidaire : attaquons… comme la Lune !
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