L’Afrique à l’ombre des épées, 1830-1930 ; Tome II : Gouvernement militaire et officiers administrateurs ; Tome III : Auxiliaires indigènes et troupes coloniales
Le service historique de l’armée de terre poursuit la publication de la thèse du professeur Jacques Frémeaux, l’éminent historien des relations entre la France et les pays arabo-musulmans, qui, dans son premier tome, présentait l’évolution du gouvernement militaire de l’Afrique du Nord et de l’Afrique noire de 1830 à 1930.
Le tome II analyse le milieu des officiers chargés de l’administration de ces territoires. S’appuyant sur une documentation d’une richesse exceptionnelle (qui fera l’objet d’un 3e volume), cette étude aborde avec beaucoup de nuances tous les aspects humains, sociopolitiques et culturels du commandement des troupes et de l’administration des populations. Mettant en parallèle l’administration de l’Afrique du Nord et celle de l’Afrique noire, l’auteur montre les similitudes et les échanges entre les bureaux arabes d’Algérie, les affaires extérieures du Sénégal et les affaires indigènes du Maroc et du Sahara, mais aussi les différences de méthode, d’organisation et de formation, pour ne pas dire les rivalités, qui opposent l’armée d’Afrique à l’armée coloniale. Il fait donc à la fois l’histoire d’une spécialisation et d’une mentalité, et souligne en particulier l’acquisition par ces officiers d’un savoir linguistique et sociologique qui en font des précurseurs dans la connaissance scientifique des populations. Si certains se livrent à quelques abus de pouvoir, la plupart se montrent justes, désintéressés, attachés aux autochtones et attentifs à la montée de l’islamisme.
Le tome III montre que l’organisation des unités indigènes et des troupes coloniales s’efforce de faire la synthèse entre la tradition militaire française et les habitudes guerrières des tribus, qui ne sont pas toujours conformes au droit de la guerre. Assez rapidement, les unités de tirailleurs et de spahis, puis les goums, sont formés pour la guerre classique et engagés avec succès en Europe. Les unités locales, tribus ma gnez, mehallas, khielas, groupes nomades, permettent aux officiers de maintenir le contact avec les populations et de contribuer à leur développement. Toutes les for mations indigènes se distinguent par la fraternité d’arme, par la fidélité au chef et par un certain paternalisme qui répond d’ailleurs à la demande des autochtones.
Dans sa conclusion, Jacques Frémeaux évoque la lucidité de ceux qui, des deux côtés, ont organisé la décolonisation, et qui ont permis, au Maroc, en Tunisie et sur tout en Afrique noire, une rupture sans brutalité. Son livre constitue une remarquable contribution à une histoire impartiale de la colonisation française. Il passionnera tous ceux qui ont exercé des responsabilités dans les unités et les territoires d’outre-mer, et peut-être aussi les jeunes officiers et les volontaires des ONG à qui aujourd’hui sont confiées des missions humanitaires. ♦