Les migrations internationales – Les nouvelles logiques migratoires
La présence d’Africains en France, de Turcs en Allemagne ou d’Asiatiques en Grande-Bretagne est une question d’actualité qui préoccupe les opinions et les hommes politiques. Or ce phénomène n’est qu’un aspect contemporain des migrations internationales, qui font que, depuis la préhistoire, des populations se déplacent d’un territoire à l’autre. Les errances de Caïn et d’Abraham et la colonisation des Amérique sont les prémices de courants qui se sont notablement amplifiés et diversifiés au XXe siècle. En 1995, 140 millions de personnes vivent en dehors de leur pays d’origine.
Gérard-François Dumont, professeur à la Sorbonne, accumule les observations sur les migrations depuis plusieurs années (il avait en 1987 créé un Institut de recherche immigration et société). Il présente dans ce nouvel ouvrage un exposé magistral des logiques qui incitent les hommes à changer de milieu de vie.
Dans une 1re partie, il établit une typologie des migrations, fondée sur leur nature juridique, leur durée, leur espace géographique et leurs conditions socioculturelles. Les migrations peuvent en effet être légales, illicites ou régularisées ; saisonnières ou définitives ; transfrontalières ou mondiales ; ethniques ou religieuses ; masculines ou familiales. Le droit d’asile, le rapprochement familial, les politiques de retour ou d’intégration, la convention de Schengen en modifient les données et influencent la démographie. Fuite des cerveaux, service militaire à l’étranger, population flottante en Chine, diasporas chinoise et juive, sont autant de formes particulières d’un phénomène universel.
L’intensification des migrations, objet de la 2e partie du livre, est liée à la perméabilité des frontières, évolutive selon les époques, et différente selon que l’on se trouve aux États-Unis, en Australie ou au Togo. Elle est favorisée par le « repoussement » des minorités (Russes blancs, harkis, Touaregs) et par l’attirance des pays d’accueil. L’annonce de François Mitterrand : « Les émigrés sont chez eux en France », retentit comme un appel. Les banlieues françaises, si décriées, sont des paradis par rapport à celles d’Alger ou de Bombay (Jean Boissonnat).
La géopolitique intervient aussi comme facteur d’accélération des mouvements de population entre la Grèce et la Turquie, l’Afghanistan et le Pakistan, le Cambodge et la Thaïlande, le Koweït et la Palestine, la Bosnie et ses voisins. L’émigration est utilisée comme une arme dans le cas de l’installation de Chinois au Tibet, de Cubains en Floride, ou dans l’opération de manipulation des orphelins roumains. Elle peut être imposée par l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) dans le cas des Vietnamiens de Hong Kong. Quant aux émigrations pacifiques, elles ont surtout des motifs économiques : on émigre parce qu’on escompte de meilleures conditions de vie, ou parce qu’on recherche de nouveaux marchés.
Une 3e partie analyse les flux migratoires, qui de bilatéraux sont devenus intracontinentaux, aussi bien en Europe que dans les autres continents, et intercontinentaux avec la mondialisation des échanges et la révolution des transports. On est ainsi passé d’une logique radiale entre un centre et sa périphérie (colonies et clients) à une logique réticulaire, suivant les réseaux de l’économie mondiale. Ce bref résumé ne rend pas compte de la grande richesse des analyses de ce livre de référence sur la question des migrations. ♦