Le Maroc et l’Europe
« Le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique, et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents d’Europe », a écrit le roi Hassan II. Cette position privilégiée du royaume chérifien avec l’Europe a fait l’objet d’un séminaire de réflexion qui s’est tenu à la faculté de droit de Rabat le 2 décembre 1994. Il semble bien en effet que l’ancien protectorat français, à la fois africain, méditerranéen et atlantique, soit profondément marqué par une sorte « d’obsession européenne » qui le pousse notamment à demander avec une grande détermination son adhésion à l’Union européenne. Ce choix est essentiellement dicté par le pragmatisme : les perspectives africaines paraissent de plus en plus limitées en raison du sous-développement croissant de la plupart des États africains, de la division et de l’instabilité du monde arabe. En revanche, le Maroc réalise avec l’Union européenne les deux tiers de son commerce extérieur et reste depuis longtemps le pays le plus ouvert du Maghreb aux investissements extérieurs et aux contrats commerciaux. Par ailleurs, son souverain est largement imprégné de culture européenne, en particulier française, et demeure plus que jamais décidé à refuser l’intégrisme et à conduire son pays à la modernité.
Le Maroc a fait le pari que la meilleure aide au développement s’appuie sur l’accès de ses produits à un marché riche de plus de deux cents millions de consommateurs. Après l’adoption en 1983 d’un plan d’ajustement structurel et l’abandon définitif de la « marocanisation » le pays s’est lancé dans une complète libéralisation de l’économie. Attentif aux prescriptions du FMI, le royaume chérifien a fait passer sa dette publique en dix ans de 75 % à 28 % des ressources en devises. Cent douze sociétés ont été privatisées et 30 % de celles où l’État possède une participation d’au moins un tiers sont sur le point de l’être. Dans le même temps, de nombreuses mesures ont été prises pour faciliter les investissements étrangers et surtout pour attirer les capitaux européens. Pour les auteurs, le choix européen du Maroc vise à retourner à son profit une situation par nature déséquilibrée. L’exemple asiatique montre que l’espoir d’un décollage économique accéléré n’a rien d’utopique. Les spécialistes semblent toutefois réservés sur les réelles chances de cette nation arabo-musulmane de parvenir à une forte croissance à court terme. Le pays ne doit pas compter uniquement sur les investissements européens, mais il doit aussi valoriser ses ressources humaines et surtout développer « ses capacités d’entreprise pour sortir des niches commerciales dans lesquelles il s’est enfermé ». Ce constat d’un chercheur de l’université de Nantes résume bien la difficulté du défi qui attend le Maroc. Cependant, la volonté d’ouverture manifestée par les dirigeants de Rabat, qui s’est notamment concrétisée en 1995 par la signature d’un accord de pêche avec l’Union européenne et d’un traité d’association euro-méditerranéen, permet d’envisager un renforcement des liens entre le Maroc et le Vieux Continent. L’histoire a d’ailleurs prouvé que ceux-ci ont souvent été rassemblés dans un destin commun. ♦