Lettres d’Afrique entre Cancer et Capricorne
À la différence des autres peuples qui se sont lancés dans l’aventure outre-mer, la France s’est efforcée de comprendre les Africains en leur proposant d’abord l’assimilation, initiative vite abandonnée, puis diverses expériences qui aboutirent à une longue série de relations privilégiées. Contrairement à ce qui s’est passé en Algérie ou en Indochine, où la longue parenthèse coloniale s’acheva en tragédie, il est clair qu’entre les tropiques du Cancer et du Capricorne, c’est-à-dire dans cette Afrique noire en partie enclose dans les limites administratives des anciennes fédérations d’AOF et d’AEF, la volonté de dialogue a toujours prévalu. Aujourd’hui encore, Paris poursuit avec les capitales subsahariennes des relations particulières. Dans la préface, François Mitterrand souligne avec une très grande émotion les liens qui unissent beaucoup de pays africains avec leur ancien colonisateur : « Leur sève puise aux sources de ce que fut la geste coloniale. De l’Empire à l’Union française, de l’éphémère Communauté à la coopération institutionnelle, puis contractuelle, les échanges entre la France et l’Afrique conservent une charge affective que l’on ne rencontre guère ailleurs dans les rapports entre anciens colonisés et anciens colonisateurs. Actuellement subsiste une surprenante osmose franco-africaine qui se nourrit de précieux souvenirs communs dont l’imaginaire collectif n’est pas totalement absent ».
Trente-cinq ans après le grand vent de l’indépendance qui a soufflé sur le continent africain, Philippe Decraene nous fait revivre, au fil d’une trentaine de lettres, un passé parfois vieux de trois siècles. L’ancien directeur du Cheam (Centre des hautes études pour l’Afrique et l’Asie modernes) nous emmène ainsi dans des escales qui ont marqué le vaste empire africain de la France : Saint-Louis (Sénégal) où se mêlent paganisme, christianisme et tradition, Tombouctou (Mali) où toute une mythologie entretient la légende de « la mystérieuse cité des sables », Ouagadougou (Burkina Faso) capitale de la grande diaspora mossi, Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) que le Vatican a décrite comme « une victoire sur le sous-développement », Say (Niger) où un corps professoral composé de Jordaniens, d’Égyptiens, de Palestiniens et de ressortissants d’Afrique noire semble trouver un terrain d’entente parfait avec les étudiants, Ngaoundéré (Cameroun) où séjournèrent des auteurs célèbres (Gide, Martin du Gard), Lambaréné (Gabon) toujours marquée par l’empreinte du « grand docteur blanc », Obock (Djibouti) la capitale déchue, Antsirabé (Madagascar) surnommée le « Vichy malgache » en raison de la richesse de ses eaux thermales, etc.
Cet ouvrage passionnant occupe une place de choix dans la fameuse collection « Destins croisés » qui a déjà publié un grand nombre de documents captivants sur un passé toujours présent dans nos mémoires. Parmi les livres à succès, les critiques littéraires mentionnent plus particulièrement : Missionnaires en Afrique (André Picciola), L’Afrique noire au temps de l’Empire français (Henri Brunschwig), Les marins et l’outre-mer (Jean-Pierre Gomane), Je te nomme Louisiane (Maurice Denuzière), Tahiti métisse (Michel Panoff) et Grands Sahariens (Philippe Decraene et François Zucarelli). ♦