Editorial
Éditorial
L’annonce le 15 octobre de la nouvelle vague de restructurations et de dissolutions à venir pour les forces françaises va se traduire par la perte de capacités opérationnelles et la suppression de 7 500 emplois. Cette diminution du format doit d’ailleurs se poursuivre d’ici 2019 selon les objectifs de la Loi de programmation militaire 2014-2019.
En une décennie, les armées auront ainsi perdu 80 000 postes et une part non négligeable de « puissance ». En effet, l’argumentaire visant à dire « moins mais mieux » se heurte désormais à la réalité des faits eux-mêmes. La notion de « puissance militaire » n’est ni abstraite ni relative. Elle ne peut pas non plus se reposer sur des discours d’auto-persuasion ou des présentations « powerpoint » masquant le concret. La puissance repose sur un ensemble complexe de capacités techniques, de ressources humaines crédibles et entraînées, d’expérience opérationnelle, de budgets cohérents et de volonté politique affirmée…
Ainsi, au « soft power » récemment revendiqué par certains États européens – plus soucieux d’économies budgétaires que des réalités stratégiques – le « hard power » est redevenu le critère de fonctionnement des relations internationales (d’ailleurs, il n’en a jamais été autrement) pour certaines puissances avides de retrouver une place comme acteurs majeurs de ce monde.
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) affirment ainsi de nouvelles ambitions soutenues par des opinions publiques sensibles aux discours nationalistes, affamées de revanche et appuyées par des politiques militaires dopées par des budgets en hausse constante.
Ce retour du rapport de force, au sens le plus clausewitzien, mérite donc que la RDN s’y intéresse en cet automne de toutes les crises.
À travers plusieurs analyses présentées dans ce numéro, il apparaît très clairement que, si d’un côté, l’Europe désarme sciemment à tour de bras, il n’en est pas de même ailleurs où les dépenses d’armement explosent. Cela ne signifie pas nécessairement des ambitions offensives – les dissuasions nucléaires y sont pour beaucoup – mais la volonté de certains États d’éviter d’être en position de faiblesse par rapport à un environnement déstabilisateur.
Cette réalité de la puissance redevient d’actualité à peine vingt-cinq ans après la chute du mur de Berlin. Le temps des dividendes de la paix est désormais révolu, n’en déplaise à certains. Dès lors, la confrontation, entre virtualité de puissances en berne et affirmation concrète de puissances en devenir, ne peut que tourner au désavantage de ceux qui ont renoncé au « hard power ». Et il serait illusoire de croire, que « l’hiver venu », le bouclier américain sera toujours disponible pour venir au secours des « cigales ».