La Russie est de retour avec tous les attributs de la puissance. La volonté politique, appuyée par une opinion publique nationaliste et ayant retrouvé une fierté disparue avec l’effondrement de l’URSS, est clairement affichée avec des objectifs à court et moyen termes. Moscou a des ambitions et se dote des moyens pour les remplir.
La Russie : entre rationalisation de l’« étranger proche » et redécoupage des frontières post-soviétiques
Russia: Between Rationalization of a “Close Stranger” and Post-Soviet Boundary Changes
Russia is back, and with all the trappings of power. Their political will, supported by a nationalist public opinion and a newfound pride that had disappeared with the dissolving of the USSR, clearly broadcasts goals both long-term and short. Moscow has ambitions and is equipping itself with the methods to accomplish them.
Alors même que l’Ukraine semble se rapprocher d’un processus de paix avec les régions séparatistes de l’Est et que la Crimée est désormais partie intégrante du territoire de la Fédération de Russie, il est nécessaire de revenir sur l’action diplomatique menée par Moscou depuis le début de l’année 2014. Mélange de raison d’État, de recours à l’Histoire comme justification interventionniste et de biopolitique, la compréhension par le Kremlin de son espace géostratégique postsoviétique répond à des impératifs et des priorités dont il est important de déterminer les contours.
La menace de l’expansion régionale de l’Otan
Le président russe Vladimir Poutine l’avait d’ailleurs rappelé au cours de son entretien télévisé le 4 juin 2014 en France : si jamais l’Otan s’aventurait « à côté de nos frontières, [et] nous ne pouvons y rester indifférents ». En matière de protection du territoire national, la Russie ne pouvait aucunement concevoir la présence de troupes de l’Otan (et encore moins une base de l’Alliance) dans la mer Noire. Plus que d’une réaction épidermique, il s’agit en réalité d’une réponse au sentiment d’isolement stratégique ressenti par Moscou dans le complexe sécuritaire européen, isolement qui avait commencé avec le double élargissement Union européenne/Otan, aux pays d’Europe orientale entre 2003 et 2005 ; et qui avait déjà commencé lors des premières tentatives d’élargissement de l’Otan sous l’Administration Clinton. Il faut ensuite remonter au choc du Sommet de Bucarest de 2008, durant lequel l’Alliance atlantique avait promis à la Géorgie et à l’Ukraine l’ouverture de ses portes, pour comprendre le sentiment de frustration ressenti par le Kremlin. L’Occident – poussant toujours pour l’élargissement de l’Otan et de l’Europe tout en jouant la carte des bonnes valeurs démocratiques – a très largement sous-estimé cette frustration et n’a pas su anticiper le retour du bâton.
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