Le monde et les hommes ; les grandes évolutions démographiques
Gérard-François Dumont est un auteur fécond : il en est à son quinzième livre en vingt ans et c’est le quatrième que nous commentons ici. En 1991, Le festin de Kronos (Fleurus) était un essai talentueux, traduit en plusieurs langues, sur les évolutions socio-démographiques en Europe, et un plaidoyer pour une vraie politique de la famille. En 1992, Démographie (Dunod) exposait de façon pédagogique les méthodes de la science démographique et, en 1993, Économie urbaine (Litec) analysait les questions d’aménagement du territoire et d’urbanisation. Ce dernier livre vient d’être primé par la Société de géographie.
Le monde et les hommes traite des grandes évolutions démographiques, élargies à la dimension de l’univers. Il mesure d’abord les évolutions en allant du global au régional. Après avoir regretté le refus de voir, dû à l’idéologie de la hantise de la suroccupation des terres, l’auteur montre que les projections quantitatives sont sujettes à caution, car fondées parfois sur des statistiques falsifiées (URSS) ou inexactes ; un exemple caractéristique est celui du Nigeria crédité de 122 millions d’habitants en 1991 alors qu’il n’en comptait que 88. Les baisses de la mortalité des pays du Sud, et de la natalité du Nord, n’ont été observées que tardivement. Alors qu’on assiste à un quasi-triplement de l’espérance de vie, on prend conscience depuis peu que le Tiers-Monde amorce une baisse progressive de sa fécondité.
Cependant, toutes ces évolutions ne sont pas uniformément réparties, et Gérard-François Dumont relève toutes les disparités régionales, dont il explique les causes, les modalités et les conséquences. Le chapitre 4 est particulièrement explicite sur les relations entre la démographie et la géopolitique, tant hier qu’aujourd’hui : le déclin de la Grèce, de Rome et de Venise, l’influence de la France de Louis XIV, les décolonisations, les crises du Liban et de Yougoslavie résultent en partie des conditions démographiques.
La deuxième partie du livre est consacrée aux processus de changement en cours dans le monde. Le plus connu est le phénomène de la transition démographique, qui se traduit par une adaptation de la natalité à la baisse de la mortalité, et qui commence à se manifester dans le Sud. C’est l’une des raisons du vieillissement des populations par le bas (natalité en baisse) et par le haut (espérance de vie allongée). Troisième processus, la mutation du travail féminin contribue entre autres à limiter la natalité. Enfin, deux chapitres explicitent remarquablement les raisons qui motivent les migrations : politiques, démographiques, économiques, certaines se combinant dans les migrations composées (for bread and freedom).
Enrichi par des illustrations et par deux index, le nouveau livre de Gérard-François Dumont est bien entendu d’une grande utilité pour les étudiants et tous les candidats aux concours comportant une épreuve de culture générale. Sa grande clarté d’expression séduira également le citoyen soucieux de comprendre les évolutions de son temps. ♦