Sauvage immigration
Conseiller d’État honoraire, directeur de la population et des migrations de 1958 à 1971, Michel Massenet nous propose un bilan de la politique de l’immigration suivie depuis trente ans. Une critique serrée des statistiques de l’Insee lui permet de montrer que « le stock » des étrangers et les flux d’entrée sont plus élevés que ne l’indiquent les chiffres officiels. Il estime que 800 000 étrangers ont échappé au recensement de 1990 et qu’après naturalisation de 2,4 millions d’immigrés, il reste au moins 4,2 (et non 3,6) millions d’étrangers en France, dont 50 % vivent d’allocations sociales. L’analyse des flux montre que les Algériens ne sont pas 604 000 mais 1 373 000 ! Ainsi importe-t-on des chômeurs et des exclus.
Cette évolution quantitative est aggravée par des mesures qualitatives qui compromettent l’intégration : l’étude des langues étrangères par des enfants parlant mal le français, l’entassement des immigrés dans des architectures de style stalinien, la provocation antiraciste à des fins électorales.
Le laisser-faire des gouvernements socialistes a fini par lasser l’opinion, qui s’est prononcée dès 1990 pour un contrôle efficace des frontières et pour la limitation du droit d’asile. En 1992, le gouvernement a adressé un avertissement dissuasif aux clandestins et aux faux réfugiés politiques, fixé des objectifs clairs de maîtrise des flux et de contrôle des immigrés ; mais il a reculé sur la politique des quotas et s’est montré laxiste dans la délivrance des visas : 362 000 visas algériens en 1993. Il faut donc établir « la préférence européenne » de l’emploi, ne pas régulariser les touristes, instituer des cartes de séjour de trois ans, dénoncer les accords conclus en 1985 avec l’Algérie, soumettre les visas au contrôle commun des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. « Pour être réfugié, observe l’auteur, il faut être persécuté et non persécuteur ».
Ces mesures restrictives pourraient être jugées répressives si elles ne s’accompagnaient de la tolérance du pouvoir laïc envers un islam apaisé, de la prévention des tendances xénophobes, de l’assimilation progressive des immigrés à nos modes de vie, et de nouvelles formes d’aide au Tiers-Monde.
Écrit avec humour et une grande clarté d’expression, pensé par un humaniste et un expert des phénomènes migratoires, l’essai de Michel Massenet établit un diagnostic sûr d’une situation dégradée et apparaît comme la proposition d’une autre politique. ♦