Editorial
Éditorial
Le temps des dividendes de la paix est depuis longtemps révolu, n'en déplaise aux idéalistes. L’instabilité du monde est désormais une constante et impose une révision drastique des enjeux de sécurité et de défense pour notre pays et l'Europe. L’illusion d'une Europe en paix avec ses voisins proches est en train de voler en éclat sous les coups des nationalismes et des fanatismes, alors même que la prospérité, facteur de stabilité, n'est plus une perspective mais un souvenir. L’effondrement du Levant, l'éclatement de l'Ukraine ou les tensions en mer de Chine nous le rappellent au quotidien. Le retrait d'Afghanistan est aussi synonyme d'incertitude et non d'un succès garanti dans le temps. Il ne se passe pas non plus une semaine sans que nos forces n'interviennent dans l'immensité de la bande sahélo-saharienne contre les bandes terroristes.
Le réalisme doit donc s'imposer, ne serait-ce que pour éviter la surprise stratégique qui sera forcément en notre défaveur.
Ce principe de réalité doit être évident pour tous, y compris aux « financiers », Ainsi, l'annonce récente de l'achat des 12 avions ravitailleurs A330 MRTT « Phénix » pour remplacer les vénérables KC-135 ne doit pas faire oublier que ceux-ci vont encore voler quelques années, dépassant le demi-siècle. Et pour l'Armée de terre, nos soldats engagés en opération roulent dans des véhicules du type VAB qui pour certains ont dépassé la quarantaine. Pour nos marins, nos avisos, dont l'utilisation est indispensable pour contrôler nos espaces maritimes, eux ont largement dépassé la trentaine et donc l'âge de la retraite. Par comparaison, cela reviendrait à voler en Caravelle, rouler en R16 et prendre les rames rouge et verte du métro. Voilà une réalité qui doit échapper à certains décideurs.
Et derrière, les hommes et les femmes de la Défense servent avec abnégation, usant et abusant du « système D » pour pallier les carences et les absences des moyens juste nécessaires pour assurer la mission. Il est vrai que le moral des militaires est rarement pris en considération par les « financiers » pour qui cette notion – comme l'Esprit de corps – est purement abstraite et tout simplement ignorée.
Or, le chaos stratégique, une fois de plus longuement abordé dans ce numéro, est à nos portes. Et contrairement à ce qui s'est passé, il y a maintenant un siècle, sur les terres de Lorraine, de Champagne, des Vosges, de Picardie et du Nord, où le renseignement était encore limité et ne dépassait guère l'horizon visuel, aujourd'hui, personne ne peut dire : je ne savais pas.