À l'heure de la mondialisation des économies et donc de l'explosion du trafic maritime, la puissance maritime est à nouveau un enjeu majeur dont la perception reste variable et souvent méconnue, y compris pour la France avec sa dimension terrestre très ancrée dans les mentalités. Or, développer une vraie vision de l'espace maritime est aujourd'hui un impératif stratégique.
La puissance maritime face aux bascules stratégiques
Maritime power faced with strategic turnarounds
In the hour of economic globalization and thus the explosion of maritime traffic, maritime power is once again a major issue of which understanding remains variable and often unknown, including France with its terrestrial dimension deeply anchored in people’s minds. Yet, developing a true vision of maritime space is today a strategic priority.
Vues de France, les bascules stratégiques de notre temps peuvent se résumer en trois points : érosion de la puissance occidentale à l’échelle mondiale, érosion de la puissance européenne à l’échelle occidentale, érosion de la puissance française à l’échelle européenne. * Bien entendu, il faudrait nuancer le constat en fonction des différents indicateurs (démographiques, économiques, militaires…), mais dans l’ensemble, il ne paraît guère réfutable. La situation serait des plus décourageantes si l’on oubliait cette maxime de l’amiral Daveluy que « le caractère de la stratégie est de tirer parti de faibles ressources, ou tout au moins de faire donner à ses ressources le rendement maximum » (1). En d’autres termes, ce n’est pas parce que nous pesons de moins en moins lourd que nous ne pouvons pas avoir de stratégie, mais justement en raison de cette fragilité accrue que nous devons en avoir une. On se propose ici d’évoquer, par quelques exemples historiques, comment la puissance maritime peut contribuer à renverser une bascule stratégique défavorable ou à en limiter les conséquences.
Athènes, de l’ascension à la chute
La première bascule stratégique bien documentée de l’histoire européenne fut, au tournant des VIe et Ve siècles avant Jésus-Christ, l’émergence de l’immense Empire perse et son extension aux portes de la Grèce. Courant de l’Inde à la Méditerranée, cet empire comptait peut-être 70 millions d’habitants alors que la Grèce n’en avait que deux (chiffres soumis à caution, mais la disproportion était de toute façon énorme) (2) ; encore était-elle émiettée en centaines de petites cités – autant de proies tentantes pour les Perses. En 490 av. J.-C., leur roi, Darius Ier, débarqua près d’Athènes une armée de quelques dizaines de milliers d’hommes, mais elle fut écrasée sur la plage de Marathon. Xerxès, le fils de Darius, en tira les leçons : dix ans plus tard, c’est une armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes qu’il lança contre les Grecs par voie de terre. Descendant la côte occidentale de l’Égée et accompagnée par une imposante flotte qui transportait sa logistique, l’énorme masse asiatique écrasa dans le défilé des Thermopyles le mince rideau défensif tendu devant elle par les Spartiates, puis marcha sur Athènes. En ce mois d’août 480, tout semblait perdu…
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